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Dictionnaire monolingue du créole haïtien
publié le 28 nov. 2016 à 12:03 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 2 déc. 2016 à 13:55]
Dictionnaire monolingue du créole haïtien
Appel au débat public sur un sujet majeur de société
Par Robert Berrouët-Oriol
Montréal, le 28 novembre 2016
L’annoncede la prochaine mise en ligne, par des étudiants de quatrième année de laFaculté de linguistique de l’Université d’État d’Haïti, d’Un dictionnairenumérique du créole haïtien en gestation a soulevé bien des interrogationstant au pays qu’en outre-mer. Cette annonce a été suivie detextes critiques examinant un projet entrepris par de jeunes universitaires inconnus aubataillon des lexicographes professionnels et sans qualification ni expériencedans le domaine hautement spécialisé de la dictionnairique .Ces textes sont principalement consignés, en Haïti, dans le quotidien Le National, et, ailleurs, sur les sitesMadinin’Art, Potomitan et Montray kreyòlhabituellement visités par les lectorats des Antilles et de la diaspora.
Afin de prolongeret d’enrichir la réflexion sur le rôle d’un dictionnaire monolingue de la langue usuelle et en particulierAPPELERAU DEBAT PUBLICsur la complexe question d’un dictionnairemonolingue du créole haïtien,l’édition de décembre 2016 du site www.berrouet-oriol.comconsigne les textes suivants :
Pour undictionnaire numérique du créole haïtien conforme aux normes de lalexicographie professionnelle ar Robert Berrouët-Oriol ;
Dictionnaire créole numérique : le poids desmots ! », par Roody Edmé ;
Culture de l’improvisation et amateurisme : àpropos du projet de dictionnaire numérique du créole », par Charles Tardieu.
Cestrois textes sont précédés de l’article de RobertBerrouët-Oriol, datédu 4 novembre 2016, Le dictionnaire numérique ducréole haïtien : mirage, amateurisme ou labeur de haute exigencescientifique »et paru sur le site www.berrouet-oriol.com
Hormis ces quatre articles, la voix desenseignants, des écrivains, des chercheurs, etc. oeuvrant en Haïti, celle desinstitutions d’enseignement ou du ministère de l’Éducation se fait encoreattendre sur un sujet aussi sensible et souvent passionnel au pays : lalangue créole. Mais est-il fondé, est-il utile aujourd’hui d’APPELER AU DEBAT PUBLIC sur un projetcertes académique mais qui est avant tout un sujet majeur de société se rapportant àla langue créole ? Alors même qu’Haïti dispose déjà d’un volumineuxcatalogue d’urgences nationales, pourquoi est-il impératif de prolonger laréflexion et d’APPELER AU DEBAT PUBLICsurun projet de dictionnairemonolingue du créole haïtien, numérisé ou au format papier ?
LA LANGUE EST AU CŒUR DE TOUT APPRENTISSAGE ET DE TOUTETRANSMISSION DES CONNAISSANCES.
Danstous les contextes d’apprentissage –collèges, coopératives agricoles, écolestechniques, universités, etc.–, l’expérience a montré que la langue est aucœur de l’acquisition des savoirs et de la transmission des connaissances.C’est par la langue qu’on nomme les objets, les idées, les raisonnements ;c’est à l’aide de la langue qu’on réfléchit les savoirs, que l’on transmet etpartage des connaissances. Ce simple rappel d’une évidence première ne doit pasmasquer la complexité de ces opérations qui relèvent de la neurolinguistique,de la didactique, de la sociolinguistique et de la pédagogie. Toute réflexionsur l’apprentissage et la transmission des connaissances en Haïti renvoieobligatoirement aux droitslinguistiques ,à l’aménagementlinguistique à l’échelle nationale, à une politiquede la langue en salle de classe et à l’urgence de la refondation de l’Écolehaïtienne. La profonde différenciation sociale de la demande scolaire cesquarante dernières années, la sous-qualification du système éducatif nationalinduite par la dictature duvaliériste, la déperdition et l’échec scolairesainsi que le statut officiel des deux langues du patrimoine linguistiquenational conféré par la Constitution de 1987 plaident pour uneresponsabilisation de l’État et de la société civile organisée dans le domainelinguistique. Le « droità la langue »,le « droità la langue maternelle créole » figurent en amont de ce processusde responsabilisation.
UN DICTIONNAIRE EST UN OBJET SOCIAL, UN ÉTAT DE LANGUE ÀUNE PÉRIODE DONNÉE, UN OUTIL NORMATIF D’AIDE À L’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE ET ÀLA COMMUNICATION.
Dans son étude « Dictionnaire »,Bernard Quemada, distinguélinguiste-lexicographe de renommée internationale, nous instruit que « Le caractère social dudictionnaire tient à ce qu’il est perçu comme la somme des connaissancespartagées par une communauté. Nul ne saurait en avoir une entière maîtrise, cequi reste le privilège du dictionnaire. La représentation du monde, donnée parl’intermédiaire du traitement lexicographique (choix de la nomenclature et descitations, élaboration des définitions et des exemples), est bien celle que lacommunauté concernée se fait d’elle-même, de ses goûts et de ses valeurs.L’autorité de cette référence tient à un accord consensuel profondémentétabli : ce que dit le dictionnaire est légitime et vrai. De ce fait, ilexerce une forte action normative en dehors de toute visée prescriptive propreet, pour l’usager, il représente une institution comparable au Code civil. Maisc’est aussi une institution culturelle, un « lieu de mémoirecollective » (P. Nora) à l’instar des bibliothèques etdes musées, l’une de ses finalités, directe ou indirecte, étant de conserver etde transmettre les éléments d’une culture à travers les mots définis et lesdiscours cités. ».
Dans la société haïtienne, un futur dictionnairemonolingue du créole haïtien est appelé à jouer un rôle central à plusieurstitres : il contribuera à la standardisation de la langue, à laconstitution d’un métalangage cohérent pour dénommer les réalités nouvelles (enparticulier dans les domaines scientifiques et technologiques) ; ilservira d’outil de référence à l’échelle nationale tout en offrant auxapprenants, notamment dans le système éducatif, des ressources linguistiquesutiles à l’apprentissage des savoirs et des connaissances. Maiss’agira-t-il alors d’undictionnaire monolingue créole de base çu comme outil pédagogiquedestiné aux écoliers du primaire et du secondaire (dictionnaire d’apprentissagede la langue maternelle) ? Ou d’un dictionnaire monolingue bidirectionnel destinéaux unilingues créolophones déjà alphabétisésmais également aux élèves et aux étudiants principalementscolarisés en français dans l’actuel système éducatif ? Tout cela renvoieà la question suivante : quel type de dictionnaire faut-il élaborer et pourquel(s) public(s) ? De surcroit, Haïti dispose-t-elle, aujourd’hui, desressources et expertise spécifiques en dictionnairique pour produire, seule, un dictionnaire monolingue du créole selonles exigences de la lexicologie professionnelle ?
C’estpour cet ensemble de raisons, à la fois théoriques et pratiques, que l’idée etles conditions d’élaboration d’un dictionnaire monolingue du créole haïtiendoivent être largement et publiquement débattues, d’autant plus que laproduction d’un tel dictionnaire ne devrait pas être uniquement l’affaire delexicologues chevronnés, de spécialistes réputés et hautement qualifiés endictionnairique , la science des dictionnaires. Ainsi, pour répondre aux besoins langagiers des 2691 759 élèves, majoritairement créolophones répartis dans les 15 682établissements de l’Écolehaïtienne la dimension didactique et pédagogique de l’entreprisedictionnairique devra s’articuler au cœur d’un tel projet. Et en amont lanécessité du débat public ne devrait pas être perturbée sinon masquée par lesarchaïsmes habituels de la société haïtienne, le marronnage face à la penséecritique, ni par l’esprit de chapelle ou le dogmatisme.
Leprésent APPEL AU DEBAT PUBLIC s’adresse à toutes les catégoriesd’intervenants potentiels, individus et institutions : les parlementaires,les professionnels de différentes disciplines, les enseignants et chercheurs(Faculté de linguistique, Faculté des sciences de l’éducation de l’UniQ, Ladirep,École normale supérieure, Cresfed, associations de professeurs, etc.) ; lesministères de l’Éducation et de la Culture ; les institutions de la société civile ; les langagiers professionnels de la communication(journalistes, publicitaires, etc.) ainsi que les écrivains produisant tanten créole qu’en français.
L’unedes actionsconcrètes pouvant résulter de ce débat public serait que la Faculté delinguistique de l’Université d’État d’Haïti propose et prenne la directiond’une recherche sociolinguistique à mener en six mois avec des partenairesinstitutionnels et destinée à définir la nature, la mission et le(s) public(s)visé(s) par un projet de dictionnairemonolingue du créole haïtien. Pareil projetpourrait être éventuellement conduit, entre autres, en partenariat avecl’Université des Antilles (Martinique et Guadeloupe) et le Creole Institute (IndianaUniversity).
GALISSON, Robert (1992). « Dictionnairique et dictionnaires »,in Études de linguistique appliquée, no 85-86, DidierÉrudition, Paris. Voir aussi : PRUVOST, Jean (2000). « Dictionnaireset nouvelles technologies » P.U.F., Paris. Voir également :LO NOSTRO, Mariadomenica et Christophe REY (2015). La dictionnairique Études de linguistique appliquée – N°1. Éditions Klincksieck.
BERROUËT-ORIOL,Robert (2014). « Plaidoyer pour une éthique et une culture des droitslinguistiques en Haïti ».URL :http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/amenagement-creole-et-francais
BERROUËT-ORIOL,Robert, D., Cothière, R., Fournier, H., Saint-Fort (2011). L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux,défis et propositions. Éditions du Cidihca et Éditions del’Université d’État d’Haïti.
BERROUËT-ORIOL,Robert (2014). « Plaidoyer pour une éthique et une culture des droitslinguistiques en Haïti ».URL :http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/amenagement-creole-et-francais
Idem, ibidem.
QUEMADA, Bernard. « Dictionnaire », Encyclopædia Universalis [en ligne]. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/dictionnaire/
GALISSON, Robert (1992). « Dictionnairique et dictionnaires »,in Études de linguistique appliquée, no 85-86, DidierÉrudition, Paris. Voir aussi : PRUVOST, Jean (2000). « Dictionnaireset nouvelles technologies » P.U.F., Paris.
Idem,ibidem.
Selon l’Unicef,« Le système éducatif haïtien accueille 2 691 759 élèves dans 15 682écoles. Alors que le secteur public reçoit 20% des élèves (538 963) dans 9% desécoles (1 420 écoles publiques), le secteur non public accueille 80% des élèves(2 152 796) dans 91% des écoles (14 262 écoles non publiques). »Source : Unicef, « L’éducation fondamentale pour tous ». URL : https://www.unicef.org/haiti/french/children_8837.htm [Consulté le 26novembre 2016]
Impunité et assassinat de Michel Stéphane Bruno et de Whilems Édouard
publié le 14 juil. 2016 à 13:08 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 14 juil. 2016 à 13:51]
Impunité et assassinat de Michel StéphaneBruno et de Whilems Édouard
MISE À MORTDE LA FÉCONDITÉ DES CONNAISSANCES EN HAÏTI
Par RobertBerrouët-Oriol
Paru dans AlterPresse,Port-au-Prince, le 13 juillet 2016
C’est à titre de poète etd’enseignant que j’ai reçu de plein fouet et avec une immense tristesse, depuisPort-au-Prince, la nouvelle du décès par balles assassines de deux de mesanciens étudiants : Michel Stéphane Bruno tué le 15 juin 2016 à Puits Blain (Pétion-Ville)et Whilems Édouard trucidé le 8 juillet 2016 à Pétion-Ville.
MichelStéphane Bruno a été mon étudiant en linguistique et communication àl’Université Quisqueya, tandis qu’en 4e année j’ai enseigné la terminologieà Whilems Édouard à la Faculté de linguistique appliquée. Je garde d’eux lesouvenir attachant de deux jeunes universitaires curieux, l’esprit alerte,apprenants méthodiques et exigeants, ouverts aux rapports humains enrichissantset respectueux de l’Autre.
Michel Stéphane Bruno
Cesdécès par balles assassines sontchoquants et révoltants. Deux morts de plus, deux morts de trop dans un pays dont lacriminalisation des structures et des moeurs remonte au terrorisme d’Étatduvaliériste, aux assassinats ciblés et à grande échelle de la dictature desDuvalier père et fils… Assassiner la vie en assassinant l’esprit est en effetl’une des principales chapes de plomb épandues sur le pays haïtien depuis lamortifère nuit duvaliériste…
Deuxjeunes sont fauchés au cœur même de la fécondité des connaissances, dans lecours productif de leurs prestations professionnelles novatrices et reconnues. MichelStéphane Bruno aura œuvré avec succès à l’inscription des droits citoyens dansle champ des nouvelles technologies et d’Internet, notamment au sein du GroupeCroissance. Whilems Édouard, pour sa part, aura travaillé avec un savoir-faire académiquerare à l’effectivité des droits d’auteur dans le vaste domaine des droitsfondamentaux, en particulier au Bureauhaïtien du droit d’auteur. Ce savoir-faire juridique ainsi que sa formation académique à laFaculté de linguistique appliquée auront également sensibilisé Whilems Édouard àl’épineuse question des « droits linguistiques» enHaïti. Deux jeunes porteurs de connaissances utiles au pays et assassinés àquelques semaines d’intervalle. Voici donc un élan brisé net par des ballesmercenaires bien haïtiennes dans un pays garrotté sinon embaumé selonl’évangile caméléon du Core Group, un pays cimeterre le jour et cimetière lanuit, et qui peine à instaurer un État de droit sur un territoire livré auxchimères et appétits prédateurs des clans économiques et politiques.
Aupays de Jacques Stéphen Alexis, de Jacques Roche et de Magloire Saint-Aude, on égorgeainsi les connaissances, les savoirs et la compétence en anéantissant corps etesprits. Cette violence aux multiples mains gantées de sang, qui s’exprime auquotidien de la vie haïtienne à travers la criminalisation des mentalités, desstructures de la société et de l’État n’est pas symbolique : elle est bienréelle et tend, sous couvert d’impunité, à néantiser dans le corps social leslumières de l’esprit, la fécondité des connaissances ainsi que la solidarité etla dignité citoyennes. Elle est dans l’absolu la négation absolue des droitscitoyens.
Pareillecriminalisation des mentalités, des structures de la société et de l’État s’estrenforcée ces trente dernières années à l’aune des populismes de droite commede gauche, avec son cortège de milliers de morts annuelles, sans voix, sansnoms connus, sans réalité statistique, sans justice et sans réparation. Lepopulisme de droite (celui des duvaliéristes, des ex-Forces armées d’Haïti(FAdH), des mercenaires fomenteurs de coups d’État, des militaires zenglendos devenuschefs d’État, etc.) et le populisme de gauche (dans ses différentes composantesmercantiles aristidiennes et kleptocrates lavalasiennes) portent une inégalemais lourde responsabilité dans le renforcement de la criminalisation de lasociété haïtienne. On en voit les effets, entre autres, dans les gesticulations,les pitreries clownesques et le carnaval tètkale en cours aujourd’hui au Parlement haïtien où ont trouvé refuge nombrede présumés narcotrafiquants et autres « bandits légaux » connus, liés ou pas à la petite confrérie rentièrenéo-duvaliériste dénommée Parti haïtien tètkale (PHTK). Et sous couvert d’une impunité/insécurité tolérée pardifférents « régimes » politiques depuis 1986, le renforcement de lacriminalisation de la société haïtienne encore duvaliérisée va de pair avec le bouclage d’un système judiciaire detradition servile. Il y a lieu ici de rappeler que le Parlement haïtien n’avoté, depuis 1986, aucune loi légitimant la démacoutisationet la déduvaliérisation d’un pays oùle trafic d’armes de toutes sortes fleurit à grande échelle et dans lequel lesnantis de la bourgeoisie de rente, les narcotrafiquants et les clans politiquesont lourdement armé leurs « gangs criminalisés» et leurs quasi « milicesprivées».
Whilems Édouard
JeanClaude Bajeux, éclaireur et veilleur émérite du domaine des droits humains enHaïti, en avait fait le diagnostic dans un texte d’une exemplairepertinence daté du 30 septembre 2008, « Le blocage de la justice : une question d’impunité
« Le bouclage de la justices’est transformé en un système dont la pièce maitresse est l’existence d’uneimpunité réciproque garantie aux délinquants, ceux qui violent les droitsdes personnes, leur vie et leur corps, et ceux qui détournentl’argent de l’État. On retrouve ce système à travers les deuxcents années de l’existence de l’État haïtien. L‘étonnant c’est le jeu de l’impunité où chacun trouve un autre chacun pour couvrir leursviolations et détournements et empêcher qu’ils soient sanctionnés. Il s’agitd’un maillage serré par-delà les clivages politico-idéologiques, unsystème de sécurité réciproque. »
Jepartage la peine et l’indignation de tous ceux qui ont connu MichelStéphane Bruno et Whilems Édouard. Cette peine et cette indignation sontmiennes au petit-jour guettant la lumière de la justice. Les exprimerpubliquement, je le souhaite, contribuera à conforter la famille de MichelStéphane Bruno et de Whilems Édouard à qui nous adressons nos condoléancesémues et le sentiment de notre solidarité.
Enrouéstelle une clameur, notre colère et notre chagrin contre le mutisme de la pierrese dressent dans la langue du Droit face au meurtre intolérable de MichelStéphane Bruno et de Whilems Édouard. Deux morts de plus, deux morts de trop, nosvoix et leurs voix emmêlées ne peuvent ni être tuées ni être tues : elledoivent faire corps avec la voix des institutions de la société civile pour vaincredurablement l’impunité et contribuer à l’établissement d’un État de droitgarant de justice et de réparation. Il nous appartient de définir les modalitésnouvelles d’un commun cheminement pour que ne meure pas en Haïti la féconditédes connaissances, la soif des savoirs et la solidarité citoyenne.
Notes
RobertBerrouët-Oriol (2014) : Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiquesen Haïti Éditions du Cidihca, Montréal, et Centre œcuménique des droitshumains, Port-au-Prince.
Idem, ibidem.
Jean ClaudeBajeux, 30 septembre 2008 : « Le blocage de la justice : une questiond’impunité », consigné sur le site « Haïti lutte contrel’impunité » :http://blog.haitiluttecontre-impunite.org/enlumiere/articles-en-vedette/leblocagedelajusticeunequestiondimpunite
UN TICKET ROSE POUR L’IMPUNITÉ EN HAÏTI
publié le 28 févr. 2016 à 12:13 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 3 mars 2016 à 17:54]
L’alliance Rony Gilot / Jocelerme Privert
UN TICKET ROSE POUR L’IMPUNITÉ EN HAÏTI
Par Robert Berrouët-Oriol
Montréal, le 28 février 2016
Les milliers de victimes de la dictature duvaliériste –qui attendent encore justice et réparation de l’État haïtien–, ont reçu de plein fouet la nouvelle de l’affligeante nomination en février 2016 de Rony Gilot au poste de secrétaire général adjoint du Palais national. Cette nomination a été décidée par Jocelerme Privert, le Président provisoire d’Haïti. L’affaire est sérieuse, elle mérite notre meilleure attention puisqu’il s’agit de la nomination d’un actif baron du duvaliérisme au cœur même du pouvoir exécutif haïtien dans le contexte d’une incertaine transition politique. Mais qui est donc Rony Gilot ?
Un tonton macoute encore « en service commandé »
Actuellement INCULPÉ devant la justice haïtienne, Rony Gilot n’est pas le premier venu sur la scène nationale. Tonton macoute « en service commandé » depuis les années 1960, il traîne derrière lui un passé scabreux, a été mêlé à de violents actes de répression de la dictature duvaliériste durant la grève de 1960 – 1961 de l’UNEH (Union nationale des étudiants haïtiens), et il a entrepris une « œuvre » révisionniste et apologétique de réhabilitation du duvaliérisme et de la dictature duvaliériste dans ses publications. Ancien responsable du journal de propagande jeanclaudiste « L’Assaut » dans les années 1980, membre fondateur et propagandiste du Conseil national d’action jeanclaudiste, le CONAJEC, au cours des années 1970 – 1980 et de la Fondation François Duvalier en 2006, Rony Gilot est l’auteur notamment de « Au gré de la mémoire. François Duvalier, le mal-aimé » (Le Béréen, 2007) ; « Au gré de la mémoire, Jean-Claude Duvalier ou l’ingénuité captive » (Le Béréen, 2010), ouvrages dans lesquels il s’emploie à travestir la nature essentiellement totalitaire et kleptocrate de la dictature duvaliériste. Une certaine sous-culture complaisante de compromis « à l’haïtienne » a au fil des ans permis à Rony Gilot, avec la publication de ses livres, de se faire passer pour un historien crédible sinon pour un « écrivain » dans quelques médias, auprès du public et auprès de certains opérateurs culturels…
La « carrière » politique de Rony Gilot, sorte de « révisionniste officiel », s’enracine dans l’histoire même du duvaliérisme. Dans son célèbre livre « Fort-Dimanche, Fort-la-mort », Patrick Lemoine, qui a été emprisonné au Fort Dimanche durant la présidence de Jean-Claude Duvalier, apporte ce troublant témoignage :
« Pour moi, Roger Lafontantétait surtout cet étudiant qui avait dénoncé ses camarades, lors de la grève de1960. Par la suite, il devait organiser une milice de macoutes universitaires,avec les Didier Cédras, Henry Rémy, Ernst Carlin, Kedner Baptiste, RobertGermain, Serge Conille, Ernst Larsen, Serge Rameau, Rony Gilot, Jacques Deverson, etc. Beaucoup d’étudiantsfurent forcés de s’enrôler, et de subir l’entraînement au camp deFort-Dimanche. Devenir espion ou milicien ouvrit ainsi, pour beaucoup, lesportes de l’université » (éd. Trafford Publishing [1996], 2011, p. 74).
Le témoignage de Patrick Lemoine est confirmé par les recherches de l’économiste et historien Leslie Péan. Dans un article daté du 13 juin 2011, « Leslie Péan scalpe Rony Gilot » (Le Nouvellistehttp://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/93720/Leslie-Pean-scalpe-Rony-Gilot), et traitant de son livre« Entre savoir et démocratie. Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens sous le gouvernement de François Duvalier » (éd. Mémoire d’encrier, 2010), le journal fait droit aux recherches bien documentées de l’économiste qui lui aussi a levé le voile sur le passé politique de Rony Gilot, ancien député et ancien ministre de l’Information sous le régime de Jean-Claude Duvalier. Ainsi, dans les années 1960,
« Le gouvernement utilisa la corruption financière et l’idéologie noiriste pour diviser l’UNEH [Union nationale des étudiants haïtiens]. Son fer de lance fut Roger Lafontant, membre de l’Association des étudiants de médecine et de pharmacie (ADEM) qui, assisté de Robert (Bob) Germain, de Rony Gilot et d’autres comparses, organisa une milice tonton macoute estudiantine. Les étudiants duvaliéristes reçurent un chèque de cent dollars par mois du ministère de l’Intérieur (p. 63) », a écrit Leslie Péan » […] « Vingt textes originaux de l’UNEH ayant échappé à la censure ont dénoncé la trahison de Lafontant, de Germain, de Gilot», souligne Leslie Péan. »
Les faits montrent donc que Rony Gilot est depuis les années 1960 un duvaliériste « en service commandé » à l’instar du tonton macoute Arthur V. Calixte, auteur d’un article mystificateur et négationniste paru dans Le Nouvelliste d’Haïti le 8 février 2013, « Jean-Claude Duvalier, la grande victime de l’histoire » (là-dessus voir la «Lettre ouverte d’un poète au quotidien Le Nouvelliste d’Haïti – La tentative de réhabilitation de Jean-Claude Duvalier est un flagrant déni de justice », par Robert Berrouët-Oriol, Journal des alternatives , 16 février 2013 : http://journal.alternatives.ca/spip.php?article7184
Des années 1960 à 2016, RonyGilot a activement œuvré pour la défense et la justification du régimetotalitaire des Duvalier. Ainsi, on le retrouve en 2006 à la manœuvre active pourle retour au pouvoir des duvaliéristes et le retour du nazillon Jean-Claude Duvalieren Haïti. Un article du journal LeFloridien daté du 1er novembre 2006, « Lesnostalgiques du régime des Duvalier» (http://www.lefloridien.com/actualites_images/cover138.pdf), relate que Rony Gilot a lancé le plaidoyer suivant : « L’ancien ministre de Duvalier et membre fondateur du Conseil nationald’action jean-claudiste (CONAJEC) a appelé le Parti de l’unité nationale [PUN,parti ouvertement duvaliériste] à lancerune campagne d’adhésion massive afin de devenir un “véritable instrument deprise de pouvoir”. » Ce plaidoyer est également attesté dans unarticle de Radio Kiskeya, « Surprenant come-back desduvaliéristes sur la scène politique haïtienne avec le lancement officiel de la« Fondation François Duvalier » (texte daté du 23 octobre2006 : http://radiokiskeya.com/spip.php?article2698Présentant fièrement l’événement, M. Gilot, médecin de formation, parlementaireinamovible pendant des années et membre fondateur du Conseil national d’actionjean-claudiste (CONAJEC), a indiqué que la mission de la Fondation FrançoisDuvalier est de valoriser le patrimoine intellectuel et politique de celui quidirigea Haïti d’une main de fer de 1957 à 1971, avant de céder le pouvoir, à samort, à son fils et successeur désigné Jean-Claude. » Mais Rony Gilot n’est pas seulementun tonton macoute « en servicecommandé », il est également UN INCULPÉ par-devant la justice haïtienne.
Un inculpé par-devant la justice haïtienne
En effet, Rony Gilot est cité comme « consort » dans le procès de l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier pour crimes d’État et crimes contre l’humanité. Si la mort de ce dernier a éteint la procédure judiciaire historique engagée contre sa personne, celle visant les « consorts » du nazillon Jean-Claude Duvalier est actuellement pendante devant la justice haïtienne –parmi ces « consorts » l’on retrouve le dénommé Rony Gilot. Il est expressément visé par l’Arrêt de la Cour d’appel de Port-au-Prince en date du 20 février 2014, signé par les juges Jean Joseph Lebrun, président de la troisième section à la Cour d’appel de Port-au-Prince, Durin Duret et Marie Jocelyne Casimir. Cet Arrêt casse l’ordonnance du juge Carvès Jean, qui avait rejeté les poursuites contre l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier pour crimes contre l’humanité. En voici un extrait :
« Attendu qu’il a lieu pour la Cour de constater que malgré le fait que par réquisitoires d’informer en date des 20 avril 2008 et 18 janvier 2011, l’instruction est ouverte contre les inculpés Jean Claude Duvalier , Michèle B Duvalier, Simone 0. Duvalier, Jean Sambour, Samuel Jérémie, Auguste Dougé, Jean Robert Estimé, Ronald Bennet, Frantz Merceron, Édouard Berrouet, colonel Franck Romain, Dr Bernadin Rosarion, Gérard Prophète , Milice Midi, Christophe Dardompré St Voyis Pascal, Rony Gilot et consorts pour les présomptions graves d’avoir commis, comme auteurs ou complices, des crimes contre l’humanité, crimes financiers, actes de corruption , forfaitures, concussion de fonctionnaires, détournements de fonds , vols et associations des malfaiteurs, la plupart de ces inculpés n’ont été ni convoqués , ni interrogés par le Juge d’Instruction qui s’est contenté de rendre son ordonnance uniquement contre Jean Claude Duvalier qu’il a renvoyé par devant le Tribunal Correctionnel pour être jugé pour délit de détournement de fonds publics; Attendu qu’il convient de reconnaître que la situation des autres inculpés cités dans les réquisitoires d’informer du Parquet mérite d’être prise en compte, ce qui pourrait remettre en cause l’ensemble de la décision relative à ce chef, et pour ne l’avoir pas fait, l’ordonnance du vingt-sept janvier deux mille douze sera sanctionnée par la Cour… » (Sources : Défenseurs des opprimés (DOP) – « Prise de position sur la nomination de Rony Gilot » – Port-au-Prince, 21 février 2016 ; voir aussi le texte intégral de l’Arrêt du 20 février 2014 sur le site « Haïti lutte contre l’impunité » : http://www.haitiluttecontre-impunite.org/texts/59
La Cour d’appel de Port-au-Prince a été à dessein tout à fait explicite dans son Arrêt, comme le précise avec justesse l’agence en ligne AlterPresse :
« Elle exige, en même temps, l’identification de tous ceux entrant dans la rubrique de consorts [dont Rony Gilot], la précision de la situation des inculpés décédés, l’audition à titre de témoins de tous les citoyens cités par les plaignants à l’occasion de leur déposition devant la cour, l’accomplissement de tous actes d’instruction nécessaires, notamment l’identification d’autres témoins éventuels au cours de la nouvelle information. » (AlterPresse : « Haïti-Justice : La cour d’appel reconnaît la nécessité de juger Jean-Claude Duvalier pour crimes contre l’humanité »,AlterPresse, 20 février 2014 : http://www.alterpresse.org/spip.php?article16030#.Vs0x3LRd5Qw
Cet Arrêt désignant le juge Durin Duret Junior pour effectuer« un supplément d’instruction » s’intéresse donc désormais aux« consorts » du défunt dictateur Jean-Claude Duvalier :
« Après la mort de Jean-Claude Duvalier, le sort de tous les suspects cités dans les réquisitoires d’informer du Parquet en date des 20 avril 2008 et 18 janvier 2011, et l’identification de ceux entrant dans la rubrique « et consorts » sont au centre de l’attention. Sur les listes initiales dressées par le procureur figurent : Franck Romain, Christophe Dardompré, Michèle Bennett, Simone Ovide Duvalier, Jean Sambour, Samuel Jérémie, Auguste Douyon, Jean- Robert Estimé, Ronald Bennett, Frantz Merceron, Edouard Berrouet, Bernardin Rosarion, Gérard Prophète, Milice Midi, Saint-Voiyis Pascal et Rony Gilot» (Jean Elie Paul : « Haïti-Duvalier : Que sont devenus les barons de la dictature? », AlterPresse, 6 février 2015 : http://www.alterpresse.org/spip.php?article17660#.Vs2wX7Rd5Qx
« supplément d’instruction », d’une importance capitale pour la suite des procédures dans le volet judiciaire de la lutte contre l’impunité, est en effet cause pendante devant la justice haïtienne car de fait
« La mort de Jean Claude Duvalier ne met pas fin aux poursuites entamées devant la justice, les victimes du régime Duvalier ayant également porté plainte contre les proches collaborateurs de l’ex-dictateur » a déclaré Pierre Espérance, le Directeur exécutif du « Réseau national de défense des droits humains » RNDDH et Secrétaire général de la « Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme » (FIDH).
Une position que partage Me Pascal Paradis, Directeur général d’ « Avocats sans frontières Canada » (ASFC), le principal partenaire du Collectif contre l’impunité, qui regroupe la plupart des plaignants contre l’ex-dictateur et ses principaux collaborateurs : « La mort de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier ne marque pas la fin de la procédure judiciaire engagée en Haïti pour faire juger les plus hauts responsables des violations graves des droits humains qui ont été commises de 1971 à 1986 […] parmi lesquels Jean Valmé, Rony Gilot et Emmanuel Orcel […] » Le décès de Duvalier ne met pas fin à la procédure judiciaire », 7 octobre 2014 : http://ehaitinetwork.com/le-deces-de-duvalier-ne-met-pas-fin-la-procedure-judiciaire/)
Du reste, on l’aura noté, les nouvelles autorités en poste en Haïti fin février 2016 viennent d’être publiquement interpellées dans un
« communiqué de presse conjoint, daté du 20 février 2016, de Amnesty international, [de] Human Rights Watch, [de] la Fédération internationale des droits humains (Fidh) et [d’] Avocats sans frontières Canada (Lwbc) [qui] appellent les autorités concernées à faire avancer le dossier de poursuites contre Duvalier et consorts. (…) Des mesures importantes doivent être prises « afin de finaliser l’enquête, d’établir la responsabilité pénale individuelle des collaborateurs de Duvalier et de mener un procès équitable et impartial », souhaite Pascal Paradis, directeur général d’Avocats sans frontières Canada. (…) Le nom de Rony Gilot, cité comme consort, ministre de Duvalier et actuellement secrétaire général adjoint du palais national, sous la présidence provisoire de Jocelerme Privert, figure dans un réquisitoire d’informer, daté de 2008. » («Les nouvelles autorités d’Haïti appelées à poursuivre des procédures judiciaires contre l’ex dictateur Jean-Claude Duvalier et ses acolytes », AlterPresse, 26 février 2016 : http://www.alterpresse.org/spip.php?article19760#.VtGIerRd5Qx)
Il importe donc de bien comprendre que Rony Gilot n’est pas un simple citoyen lambda nostalgique de la « révolution » duvaliériste ou un individu ayant parfaitement le droit –en dehors de ses liens avec les crimes d’État de la dictature duvaliériste–, de professer sa volontaire adhésion catéchétique au duvaliérisme : il est encore un tonton macoute « en service commandé », et il est surtout UN INCULPÉ devant la justice haïtienne. Ce statut judiciaire, en dépit de la présomption d’innocence dont bénéficient les inculpés selon la loi, lui enlève toute légitimité pour occuper une haute fonction dans l’Administration publique du pays et rend illégale sa nomination partisane par Jocelerme Privert. Mais il semble bien que l’actuel Président provisoire d’Haïti, faisant fi du devoir de réserve, n’a aucun état d’âme à se placer au-dessus et en dehors de la justice haïtienne en nommant L’INCULPÉ Rony Gilot au poste de secrétaire général adjoint du Palais national ; frappé d’amnésie volontaire en ce qui a trait aux crimes de la dictature duvaliériste, Jocelerme Privert n’a eu aucune crainte à se lier à tel baron duvaliériste contribuant ainsi, lui aussi, à consolider la machine infernale de l’impunité.
Consolider la machine infernale de l’impunité
Car comme avant lui Jean-Claude Duvalier et Michel Martelly, Jocelerme Privert se présente sous le masque bateleur du « rassembleur », d’un faiseur de « l’unité de la famille haïtienne » (slogan cher aux duvaliéristes) dans une conjoncture particulièrement complexe :
« Le président provisoire haïtien, Jocelerme Privert, confirme son statut de rassembleur pouvant faciliter une entente entre les partis politiques de gauche et de droite. J’ai autour de moi des membres du parti lavalas et du parti duvaliériste, a insisté M. Privert lors de son premier déplacement dans une ville de province. « Je peux m’enorgueillir de pouvoir rassembler autour de moi les représentants de tous les secteurs de la vie nationale, a dit M. Privert assurant qu’il peut discuter franchement avec eux. Il affirme avoir prêché par l’exemple en regroupant dans son cabinet des citoyens représentants tous les courants politiques. » (« Privert se présente en rassembleur », Radio Métropole, 22 février 2016 : http://metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=28141
Photo : de gauche à droite Rony Gilot, Jocelerme Privert et Fritz Jean, nouveau Premier ministre, au Palais national, Port-au-Prince, 26 février 2016.
Les données d’analyse disponibles aujourd’hui ne permettent pas encore de dire si l’accession de Rony Gilot au poste de secrétaire général du Sénat haïtien en 2008 s’est effectuée avec le concours actif de Jocelerme Privert ; l’Histoire aura à l’établir. En revanche, l’Histoire contemporaine, les faits identifiables et mesurables de la vie nationale ont montré que « rassembler », faire « l’unité de la famille haïtienne » en dehors de toute entreprise de justice et de réparation pour les victimes de la dictature duvaliériste est un leurre, un bluff et, surtout, une mystification et un déni de justice foulant aux pieds les droits des milliers de victimes du terrorisme d’État duvaliériste. Cette sous-culture du « kase fèy kouvri sa », de l’amnésie décérébrante programmée, terriblement toxique depuis 1986 notamment, revient à absoudre à l’avance les auteurs et complices des crimes contre l’humanité de la dictature duvaliériste. Et à frayer avec eux sans états d’âme, à les présenter comme « fréquentables » sinon dépositaires d’un « savoir faire irremplaçable » dans la gestion des affaires de l’État. Soyons clairs et éclairons davantage l’alliance Rony Gilot/Jocelerme Privertcar selon l’esprit du pacte conclu entre eux il s’agit :
de faire des duvaliéristes –y compris les « consorts » du procès Jean-Claude Duvalier, y compris les tontons macoutes responsables de crimes contre l’humanité–, des interlocuteurs crédibles ;
de faire croire que le camp duvaliériste est « un parti politique comme les autres », sur un même pied d’égalité que les autres, alors même qu’il dispose encore d’une réelle « imprégnation » idéologique dans toute la société haïtienne et qu’il a à sa disposition, en toute impunité, une disparate « force de frappe » terroriste (gangs armés, à l’instar de ceux financés et armés par certains secteurs de la grande bourgeoisie haïtienne, à l’instar des « chimères » criminalisés financés et armés par les différents régimes Lavalas) ;
d’accréditer la fausse idée selon laquelle les crimes d’État de la dictature duvaliériste sont de même nature, sont comparables et surtout égaux à ceux commis après 1986.
L’alliance Rony Gilot/Jocelerme Privert est un ticket rose pour l’impunité en Haïti. Elle est un redoutable et très mauvais signal donné à l’actuelle transition politique au pays. Comme Michel Martelly –néoduvaliériste déclaré qui s’est tant affiché avec le nazillon Jean-Claude Duvalier et Prosper Avril flanqués d’Evans Paul/KPlim–, Jocelerme Privert a choisi de s’inscrire dans une sombre et mortifère « tradition » à l’œuvre depuis février 1986 : le pacte impunitaire avec les barons duvaliéristes. Les tontons macoutes et autres têtes pensantes de la dictature duvaliériste se sont toujours arrangés pour codiriger en sous-main chacune des étapes de la transition politique au pays, piégeant et hypothéquant ainsi, constamment, l’établissement d’un État de droit en Haïti. Et comme pour leur faciliter la tâche, le camp démocratique haïtien, toutes tendances politiques confondues, n’a pas su faire barrage à une telle imposture –par aveuglement populiste, ou par manque de vision, ou par rachitisme analytique, ou par souci de ne mener que des luttes politiciennes pour le pouvoir. Il est attesté que le pacte impunitaire trouve ses fondements dans « l’imprégnation » idéologique duvaliériste d’Haïti. Plusieurs travaux de recherche ont illustré le fait que le langage duvaliériste, sa puissance symbolique, ont fortement marqué l’inconscient collectif haïtien. Ces recherches ont démontré que « l’imprégnation » idéologique duvaliériste d’Haïti, avant et après 1986, est une constante dans la vie du pays. Or ces trente dernières années, la déduvaliérisation d’Haïti n’a pas été vraiment faite en profondeur malgré de réelles avancées dans plusieurs domaines (liberté de la presse, droit d’association, élections ouvertes, etc.), et plusieurs générations de jeunes ont grandi au pays dans un réel dénuement analytique en ce qui a trait à la dictature des Duvalier. (Sur les sources historiques et idéologiques du langage duvaliériste, voir notamment : Karl Lévêque, « L’interpellation mystique dans le discours duvaliérien », revue Nouvelle optique, Montréal, 1971 ; Laennec Hurbon, « Culture et dictature en Haïti. L’imaginaire sous contrôle » (éd. L’Harmattan, Paris, 1979) ; Serge Philippe Pierre, « Pouvoir, manipulation et reproduction du pouvoir. Une analyse sémio-narrative du discours de François Duvalier », éd. C3, Port-au-Prince, 2015 ; voir aussi la présentation en 2014 de «L’État duvaliérien » sur le site « Haïti lutte contre l’impunité » : http://www.haitiluttecontre-impunite.org/index_by_tag/2?page=1
Photo : de gauche à droite Rony Gilot et Jocelerme Privert, Palais national, Port-au-Prince, 26 février 2016.
En lien avec le pacte impunitaire, il faut aussi rappeler que depuis 1986aucun programme d’éducation à la citoyenneté dans le système éducatif haïtienn’a outillé les jeunes quant à l’analyse critique de la dictature duvaliériste,ce qui leur aurait permis de comprendre les enjeux politiques à l’œuvre dans lepays et de contrer, en une démarche conséquente, toute tentative deréhabilitation du duvaliérisme ainsi que les diverses offensives révisionnistesde falsification de l’Histoire. Ainsi, on a vu le nazillon Jean-Claude Duvalierinvité à titre de « parrain » d’une promotion sortante de l’École dedroit des Gonaïves et y prononcer, pince sans rire, un discours applaudi pardes jeunes nés après la chute de la maison Duvalier (« Le discours de Jean-ClaudeDuvalier aux Gonaïves », Le Nouvelliste, 20 décembre 2011 : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/100663/Le-discours-de-Jean-Claude-Duvalier-aux-Gonaives
En définitive, c’est essentiellement dans la configuration de la machine infernale de l’impunité qu’il faut comprendre l’arrivée de Rony Gilot au Palais national aux côtés du Président provisoire. Avec la nomination par Jocelerme Privert de Rony Gilot au poste de secrétaire général adjoint du Palais national, l’enjeu encore actuel pour les duvaliéristes, en plus d’être l’éminence grise au cœur du pouvoir, est de perpétuer le règne de l’impunité en Haïti, règne vieux de trente ans et au cours duquel ils n’ont pas eu à rendre compte de leurs crimes contre la nation haïtienne. Éloge de l’impunité, de l’amnésie programmée, d’un avenir sans passé… Dont l’effet durablement voulu et entretenu est de nier les droits et de faire taire la voix des milliers de victimes de la dictature duvaliériste qui attendent encore justice et réparation de l’État haïtien.
Première publication, Port-au-Prince le 3 mars 2016 : AlterPresse
LE PRÉSIDENT HAÏTIEN PERSISTE DANS L’INSULTE FAITE AUX FEMMES
publié le 4 févr. 2016 à 03:25 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 4 févr. 2016 à 04:09]
Chant du cygne de Michel Martelly
LE PRÉSIDENT HAÏTIEN PERSISTEDANS L’INSULTE FAITE AUX FEMMES
ParRobert Berrouët-Oriol
Montréal, le 4 février 2016
On le savait en public vulgaireet ordurier… Sa déjà vieille « carrière » de musicien –plus précisément de clownamuseur public–, est dans le champ artistique jonchée de détritus paroliers, d’appels aux pulsions violentes lesplus archaïques et discriminantes. Malgré cela, ou sans doute à cause de cela,une partie de la petite bourgeoisie pétionvilleoise traditionnellement privilégiéeainsi qu’une ample frange du lumpen prolétariat des grandes villes flanquée de« lumpen professionnels » et de « lumpen intellectuels » ontplébiscité la musique obtuse de Sweet Mickyautoproclamé « président du konpa ». De là à vouloirfantasmatiquement devenir président tout court du pays, il n’y avait qu’un pasà franchir et il l’a fait sous la houlette de certains occultes « amis »d’Haïti etdans le droit fil d’une mesurable faillite de l’État haïtien.
On le savait en public grossieret scatologique, méprisant les intellectuels, les écrivains comme les poètes, etvoici que par un obscur golpeélectoral concocté en vase clos l’Organisation des États américains (OEA) a sul’imposer en 2011 comme président de la République d’Haïti. Ce golpe électoral foulait lors aux piedsla vérité des urnes dans un contexte où moins de 20% de la population d’Haïti s’étaitprévalu de son droit de vote…
Michel Martelly(à gauche) et Jean Claude Duvalier (à droite).
L’autoproclamé « président du konpa »,devenu président d’Haïti à l’aune d’une périlleuse magouille, s’est appliqué dèsson arrivée au pouvoir à instituer le règne des « bandits légaux » dans l’Administration du pays et à afficherses liens avec les plus connus des narcotrafiquants haïtiens. Admirateur desLéopards de Jean Claude Duvalier –corps militaire anti guérilla de préservationdu pouvoir de la dictature mis sur pied par la CIA au début des années 1970–,ami affiché des narcotrafiquants de l’Armée d’Haïti qui ont fomenté le coupd’État de 1991, Sweet Micky alias Michel Martelly est également connu pour sa misogynie, son mépris affichédes femmes, en particulier pour les femmes qui représentent en Haïti un modèle citoyen.
Mépris halluciné des femmes
On l’a vu à l’œuvre ces derniers mois et les frasques duchanteur-président n’ont pas manqué de soulever un tollé dans les médiassociaux comme dans la presse traditionnelle. Ainsi, le Nouvelliste d’Haïtirapporte les propos de plusieurs interlocuteurs qui assument à visière levéeque Michel Martelly est
« […]une honte pour le pays, il n’est pas à sa place, il déshonore la fonction deprésident de la République, […] il n’est pas lucide… » […] les réactions aprèsles injures du chef de l’État contre cette dame lors d’un meeting à Miragoânemardi dernier [28 juillet 2015] ne sont pas tendres envers le locataire dupalais national. Dans les réseaux sociaux et dans les médias, les gens ontexprimé leur colère contre le président de la République. » [… S’exprimantelle aussi,] « Lamilitante de défense des droits de la femme, la sociologue Danielle Magloire,considère comme une agression sexuelle les propos de Michel Martelly contrecette dame à Miragoâne. »(« MichelMartelly a encore frappé fort… »,Le Nouvelliste du 30 juillet2015 : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/148018/Michel-Martelly-a-encore-frappe-fort
Plus près de nous, la presse nationale etinternationale s’est indignée avec raison face au déferlement de haine et demépris contenu dans la méringue carnavalesque que diffuse en Haïti Sweet Micky alias Michel Martelly voir l’article « Le carnavaldémagogique du président d’Haïti », journal Libération, édition du 2 février 2016 : http://www.liberation.fr/planete/2016/02/02/le-carnaval-demagogique-du-president-d-haiti_1430340; voiraussi l’article le plus récent, « Haïti-Médias : concert decondamnations de la chanson sexiste de Martelly contre la journaliste LilianePierre Paul », AlterPresse, édition du 4 février 2016 : http://www.alterpresse.org/spip.php?article19637#.VrLNU7Rd5Qw. Calomnieuse, méprisante et ouvertement sexuellement agressante,la version 2016 de la méringue carnavalesque du chanteur-présidents’intitule « Ba l bannann nan » (« donne-luila banane ») et de nombreux médias haïtiens refusent courageusement dela diffuser alors même que dans la nuit du 30 novembre 2015 les locaux de Radio télé Kiskeya ontété l’objet de tirs d’armes à feu (voir l’article « Attaque arméecontre les locaux de Radio Télé Kiskeya » : http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article10584. Laméringue carnavalesque du chanteur-président cible avec violence deuxjournalistes de renom, Jean Monard Métellus,qui dirige l’émission « Ranmasé » de Radio télévisioncaraïbes, et Liliane Pierre-Paul, animatrice du journal quotidien en créole deRadio Kiskeya, « Jounal katrè ».Depuis Port-au-Prince l’Agence en ligne AlterPresse, tout en rappelantl’hostilité constante de Michel Martelly à l’égard de la presse, fait un état des lieux en ces termes :
« Un fragmentd’une méringue carnavalesque de « Sweet Micky » (Michel Martelly),dans laquelle est fredonné le refrain Ti Lili (en référence à lajournaliste Liliane Pierre-Paul, que Martelly voudrait ridiculiser), circulesur les réseaux sociaux, depuis la fin de l’année 2015. Cette meringueattentatoire de Michel Martelly cible la journaliste et directrice deprogrammation de Radio Télé Kiskeya, Liliane Pierre-Paul, qui a été déjà qualifiéepar Martelly de Ti Lili dans le cadre d’une interview à Radio TélévisionCaraïbes (Rtvc). Dans une note datée du 16 décembre 2015, l’Associationnationale des médias haïtiens (Anmh) a dénoncé cette méringue carnavalesque de« Sweet Micky », qui a repris son costume de musicien-amuseur publicà travers cet acte inqualifiable, qui traduit son irresponsabilité et sonincurie. » (« Haïti-Culture :le carnaval national 2016, prévu à Port-au-Prince du 7 au 9 février, malgré lemarasme économique et une période tumultueuse », AlterPresse, éditiondu 19 janvier 2016 : http://www.alterpresse.org/spip.php?article19546#.VrKFlLRd5Qw
Liliane Pierre Paul
Dans une société haïtiennearchaïque et profondément machiste, l’attitude de Sweet Micky alias Michel Martelly participe d’un séculaire mépris desfemmes et d’un lourd déficit de citoyenneté légué par la dictatureduvaliériste. Alors même que la période du carnaval est celle durant laquelles’exprime la défiance, la critique satirique, la dérision, les« pwen » et autres piques peu amènes pour les pouvoirs en place, l’actuel locataire du Plais national entend lui aussi « jouirde la liberté d’expression » pour contrer ceux qui ont osé porter un regardcritique sur son erratique gestion du pays ces cinq dernières années. Mais pourrépondre aux journalistes assimilés à des détracteurs, Sweet Micky alias Michel Martelly emploie leseul langage qu’il connaît, celui du rapport de forces inégal, de la calomniesous le manteau de l’impunité, de la menace implicite et de la néantisation desfemmes selon l’évangile misogyne. Fidèle à lui-même, il s’exprime de manièrevulgaire et scatologique : il fait du Sweet Micky drapé en président de laRépublique. Et puisque la sexualité-de-domination est le lieu par excellence del’infantilisation, du mépris et de la néantisation des femmes, c’est sur leterrain d’une sexualité violentée qu’il convie celle qui est visée par sonmépris, « Ti Lili »(« Petite Lili »), surnom de MadameLiliane Pierre-Paul que seuls les amis intimes et les proches parents ont ledroit d’utiliser. En créole haïtien, le « ti » réfère aussi à unecatégorisation de « petit », de subalterne, de « moitiéde », de second rôle, et le chanteur-président le sait bien lorsqu’ilchoisit de catégoriser ainsi une journaliste connue pour sa droiture et qui,emprisonnée et torturée dans les années 1980, a été violentée dans sa chairsous la dictature de Jean Claude Duvalier. MadameLiliane Pierre-Paul a été violentée à l’instar de l’actuel « premierMinistre » Evans Paul qui, lui, arrêté et torturé à la même époque, achoisi en dehors de toute justice-réparation la voie peu reluisante de lacompromission avec ses bourreaux : il n’a pas hésité à serrer la main et àposer aux côtés du nazillon Jean Claude Duvalier et du zenglendo Prosper Avril,aux Gonaïves, le 1er janvier 2014.
De gauche àdroite : Evans Paul/KPlim, Jean Claude Duvalier, Michel Martelly etProsper Avril aux Gonaïves le 1er janvier 2014.
pratiquant le dénigrement et le méprispour Liliane Pierre-Paul considéréecomme un symbole de la démocratie en Haiti–, dans la méringuecarnavalesque « Ba l bannannnan », Sweet Micky alias Michel Martellytente de saper les conquêtes féministes des trente dernières années ainsi queles acquis mesurables mais encore fragiles du camp démocratique haïtien dansses différentes composantes. Sans tomber dans le piège de la provocation « détournante »du locataire du Palais national d’Haïti, il importe de bien comprendre que lechanteur-président poursuit un objectif stratégique que l’on peut également retracerdans la récente cabale menéesur Storm TV par des proches du pouvoir tètkale :
« Ledirecteur général de la station [Radio télévision Kiskeya], Marvel Dandin, quiintervenait au cours dudit journal, a cité deux proches de Michel Martellyconnu sous les noms de Ronald (Roro) Nelson et Jojo Lorquet, dans le cadred’une émission réalisée sur Storm TV, qui s’amusaient à « dénigrer ladirectrice de programmation de Radio/Télé Kiskeya ». « Si Liliane a unefamille, qu’elle le présente à la population », a déclaré l’un des deuxindividus susmentionnés. « Si Liliane avait un fils ou une fille, ce seraitcelui ou celle qu’elle avait eu d’un officier de l’armée d’Haïti pendantqu’elle était en prison », a renchéri l’autre animateur de l’émission diffuséesur Storm TV. » (« LilianePierre-Paul, victime de « dénigrement » de la part de deux proches du présidentMartelly », Radio télévision caraïbes, 24 janvier 2016 : http://www.radiotelevisioncaraibes.com/nouvelles/haiti/liliane_pierre-paul_victime_de_d_nigrement_de_la_part_de_deux_pr.html
Détourner l’attention citoyenne de la catastrophe électorale de2015
En définitive,avec méringue carnavalesque « Ba l bannann nan », et à l’aide de la cabale conduite surStorm TV, il s’agitpour Sweet Micky alias Michel Martelly détourner l’attention citoyenne de la catastrophe électorale de2015 et de la fin constitutionnelle du mandat du président le 7 février 2016…afin qu’il puisse parachuter un successeur qui lui soit dédié ou qui lui soitlié, comme après 1986 les tontons macoutes avaient tenté de prolonger la duréede vie du duvaliérisme sans Jean Claude Duvalier. Le pouvoir néo-duvaliéristede Sweet Micky alias Michel Martelly connaît parfaitement son modèle, lejeanclaudisme illusionniste, et il entend poursuivre sa stratégie garantissantla perduration du néoduvaliérisme en Haïti (voir Robert Berrouët-Oriol :« Le retour du duvaliérisme enHaïti sous le manteau rose de la « réconciliation nationale » : http://www.berrouet-oriol.com/droit-de-parole/les-editos/retour-du-duvalierisme-haiti). Il est donc « logique »que ce pouvoir néo-duvaliériste attaqueaussi violemment Liliane Pierre-Paul et Jean Monard Métellus :en réalité c’est l’idée même de démocratie et d’État de droit qui est attaquéesous couvert de méringue carnavalesque.
Tel me semble être le véritableenjeu à l’œuvre dans la conception et la diffusion de méringue carnavalesque « Ba l bannann nan », dans la manière dont Sweet Micky alias Michel Martelly exprime sa tortueuse misogynie,son profond mépris des femmes haïtiennes qui est, en structure profonde de sonpropos, un radical mépris pour l’entrée des femmes haïtiennes dans unecitoyenneté moderne et responsable. Et pareil mépris se donne également à voirdans d’autres secteurs de la vie nationale. Ainsi, la présidence duchanteur-amuseur public a réactivé et alimenté le préjugé de couleur en Haïti, l’arroganceméprisante des mulâtristes contre le reste de la population ; elle a pourl’essentiel mobilisé (rale yon bak) etconforté ce que la société haïtienne a de plus obscur, de plus réactionnaire etde plus mystificateur dans la gouvernance du pays, au point où certaines âmes pieusesivres de promesses se sont laissé piéger, ont cru que le tandem Martelly/Lamotheavait une « vision éducative » pour le pays (projet Psugo) sinon une« vision équilibrée de la question linguistique haïtienne » etdu créole (projet Académie créole)…
Début février 2016, l’un destermes de l’alternative qui se tisse est bien de contrer efficacement lastratégie de perduration du néoduvaliérisme en Haïti dans l’après Martelly: le très court terme saura le montrer. L’autre terme pourrait être l’exercicedu droit citoyen de Jean Monard Mételluset de Liliane Pierre-Paul de porter plainte dès le 8 février 2016 contre ledénommé Michel Martelly redevenu simple citoyen et ne bénéficiant plus del’immunité attachée à la fonction présidentielle. Pareille plainte devant lesjuridictions nationale et internationale compétentes sera un temps fort et auravaleur d’enseignement, notamment pour les jeunes, dans le combat des femmes haïtiennespour le respect et la dignité et vers l’accès à la pleine citoyenneté.
Yon lèt tou louvri pou Kaptenn koukourouj
publié le 26 juil. 2015 à 12:13 par Robert Berrouët-Oriol
En marge de « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien »
Yon lèt tou louvri pou Kaptenn[1]koukourouj
Robert Berrouët-Oriol
Montréal, le 28 janvier 2015
Kaptenn koukourouj monchè,
Mwen kontan lè m wè etid mwen an, « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien», rive jwenn ou kòm sa dwa epitou m ap remèsye w pou mesaj (nòt) ou voye ban mwen pou w ban m lide pa w sou analiz mwen an. Se konsa mwen swete pou gen dyalòg ak deba pami tout langajye yo, tout tradiktè pwofesyonèl osnon amatè ki apresye travay mwen an menm jan yo apresye travay lòt lengwis kreyolis yo. Mais la configuration de ton frêle message, cher Kaptenn koukourouj, à la suite de mon étude laisse songeur et il convient de s’en désoler comme il faut se désoler de toute « félicitation » incongrue et de nature clanique que tu as reçue à propos de ton texte. Lors de la diffusion de mon étude, le 18 janvier 2015 et les jours suivants, j’ai souhaité sa mise en débat public par la survenue d’articles de fond. Men Kaptenn ou chwazi pale yon pawòl ti mamit anndan yon lòt ti mamit, yon pawòl ki pa pòy pawòl pa m nan : mesaj ou a monchè se yon repons dilatwa, mwen pral di pou kisa. Se regretan, men se chwa pa w. Mwen swete lòt moun ki vle mete pye nan diskisyon an va vini ak lòt kalte agiman.
Kaptenn koukourouj devlope yon sèl lide pa li nan mesaj li voye ban mwen an : li di mwen kritike tradiksyon kreyòl ki fèt yo [pou magazin Haïti perspectives], koulyè a mwen ta dwe tounen yon tradiktè, mwen ta dwe bay tradiktè yo solisyon pou yo fè travay yo, epitou mwen ta dwe tradwi an kreyòl « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien ». Mwen di repons Kaptenn nan se dilatwa li ye poutèt li kouri l al kache pou gwo problèm mwen poze yo nan zafè tradiksyon kreyòl la, li pito ap jwe marèl ak koze « solisyon » mwen ta dwe bay lò mwen fin fè analiz mwen an. Pawòl dilatwa Kaptenn koukourouj la merite jwenn bon jan limyè si nou pa vle tonbe nan konfizyon menm lè tout moun ap mache ak bòn volonte yo lan pla men yo.
M ap tanmen reponn ak mo « kritike » a : en créole haïtien, dans le parler de tous les jours, « kritike » est un terme péjoratif qui comporte le sens négatif de « juger les personnes et les choses en relevant surtout leurs défauts ». Poutèt li vle kouvri tradiksyon kreyòl tout moun konnen li fè pou magazin Haïti perspectives la, Kaptenn koukourouj chwazi fè mawonaj devan tout gwo pwoblèm mwen analize nan etid mwen an, kòm kwa li pran pòz l ap bay tèt li baboukèt pou l ka ban mwen baboukèt. Se poutèt sa tou mwen di mesaj ou a monchè se yon repons dilatwa li ye. Menm jan an, Kaptenn koukourouj, ou di : mwen fin kritike, mwen fin« denonse travay ki mal fèt yo », koulye a mwen dwe bay solisyon epitou al mete men nan chantye tradiksyon yo. Mwen pa p jwe jwèt marèl sila a, mwen menm mwen pa p mare pye m nan zafè « kritike » sa a : ak atik mwen an, mwen pa rete nan nivo « denonse » osnon« kritike », mwen fè yon « étude critique », se pa menm bagay. Tansèlman kilès ki pè kanpe devan yon « étude critique » ? Pi fò lan moun ki pè kanpe devan yon « étude critique » se moun ki dogmatik, ki sektè, ki renmen fonksyone lan ti gwoup k ap bat bravo k ap di « félicitation » lajounen kou lannuyit. Il importe par ailleurs de savoir que le refus de la critique chez beaucoup d’Haïtiens comporte un enjeu éthiquerelevant de la quête de la connaissance et de la vérité –cet aspect de la question devra cependant être développé ailleurs. Pour l’heure, je dirai que l’exercice de la faculté critique, de l’esprit critique est une condition primordiale et première du processus de connaissance lui-même. Pour comprendre et accéder à des niveaux supérieurs de connaissance, l’esprit humain a besoin d’identifier, de situer, de classer, d’analyser, de critiquer en comparant les éléments de connaissance entre eux. Priver l’esprit humain de la faculté de critiquer c’est le rendre inapte au processus de compréhension, donc de connaissance.
En choisissant l’enfermement (yon pawòl ti mamit) qui consiste –par l’injonction que tu m’adresses de me muer en traducteur–, à réduire mon propos à une fourniture d’équivalents créoles tu témoignes, cher Kaptenn koukourouj, d’un souci légitime tout en prêtant le flanc à une certaine démagogie populiste à l’œuvre chez nombre de « militants » créolistes. Il s’agit donc selon ton message (a) que je me décrète traducteur vers le créole afin de fournir illico des « solutions » aux traducteurs; et (b) de produire dans la langue créole mon texte « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien ». Kaptenn koukourouj monchè, gen lè ou pa t byen li entwodiksyon etid mwen an : mwen di aklè ki sa mwen te vle analize nan tèks mwen an, epitou ki sijesyon ak pèspektiv mwen te vle bay nan koze fòmasyon akademik/fòmasyon pwofesyonèl tradiktè to. Etid mwen an pa chita sou resèt mirak, sou solisyon prese prese mwen ta dwe bay tradiktè yo. Il eût été présomptueux de ma part de prétendre pouvoir ou devoir apporter des solutions toutes cuites aux traducteurs au terme de mon étude : je ne suis pas traducteur de formation, je ne m’improvise pas traducteur vers le créole alors même que je plaide pour une professionnalisation de la traduction créole. Ainsi, c’est par souci de rigueur dans la démarche et parce que je sais que la traduction est un métier exigeant que j’ai fait appel en mai 2014 à une traductrice professionnelle afin de traduire en créole mon «Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiques en Haïti» sous le titre de « Pledwaye pou yon etik ak yon kilti ki tabli respè dwa lengwistik ann Ayiti ». Ce livre est disponible en version tête-bêche créole-français, à Montréal, aux Éditions du Cidihca.
Produire des textes de haut niveau en créole haïtien est une perspective légitime et un objectif concret qui ne doivent pas être enfouis sous des spasmes populistes. J’appartiens à une génération qui a reçu toute sa formation intellectuelle en français, je suis parfaitement conscient que lorsque j’écris en créole je procède à une opération traduisante et que pareille opération draine toutes sortes de difficultés à la fois lexicales, sémantiques et terminologiques. Mais l’option de produire des textes de haut niveau en créole est juste en son principe car cette langue doit chaque jour confirmer sa prise de possession de l’écrit sur différents registres. Produire en créole : par la rédaction de premier niveau ou par la traduction professionnelle, le processus n’est pas le même. Et produire en français une étude critique sur les problèmes de la traduction créole ne m’autorise pas à décréter que je serais devenu, par autoproclamation, un traducteur attitré vers le créole. De même, il est hors de question que je réponde à l’injonction selon laquelle une fois posé un diagnostic critique sur les problèmes de la traduction créole, mon propos pour demeurer crédible devrait emprunter le chemin caillouteux des chantiers de traduction –ce n’est pas mon métier et il y a lieu de récuser à visière levée pareil détournement de mon étude.
Kaptenn koukourouj monchè, gen lè ou pa t byen li konklizyon etid mwen an : mwen trase yon pèspektiv pratiko pratik an jeneral («rompre avec les équivalents créoles de type périphrase définitoire/explicative»), epitou mwen louvri yon kokenn chenn pèspektiv nan zafè fòmasyon pou mete kanpe pwofesyonalizasyon metye tradiktè a ann Ayiti. Kidonk monchè, fòk ou reli konklizyon m nan, m pa konprann kouman ou ka rete bèbè sou zafè fòmasyon tradiktè yo : « À vouloir faire de la traduction un métier, il s’agira de définir un programme commun de formation en traduction et en rédaction technique et scientifique en phase avec les besoins du pays et qui saura donner la priorité à la traduction vers le créole. Ce programme de formation universitaire devra, à l’horizon 2020 – 2025, fournir au pays des langagiers compétents pouvant entre autres contribuer à la production d’ouvrages unilingues créoles comme de vocabulaires et de lexiques bilingues français-créole (ou encore anglais-créole, espagnol-créole).
Kaptenn koukourouj monchè, nan reflechi n ap reflechi sou pwoblèm tradiksyon kreyòl yo, fòk nou elve nivo diskisyon an pou n fè travay la vanse tout bon vre…
Le refus ou la banalisation de la théorie, d’un enjeu théorique, est un procédé qu’utilise le populisme linguistique pour asseoir l’idée que le simplisme est l’équivalent de la simplicité, alors même que le simplisme est une porte ouverte sur la confusion comme sur le déficit de vision. Il faut savoir, à ce sujet, que subsiste encore de nos jours l’idée erronée selon laquelle on peut se contenter du service minimum, de la simplification à outrance, du « chemen dekoupe » dès lors qu’il s’agit du créole. Le populisme linguistique s’arc-boute ainsi au mépris de la langue créole et lui porte préjudice. Ainsi voudra-t-on privilégier « en toute simplicité » l’option des solutions recettes aux dépens d’une vision linguistique conséquente qui s’articule à la nécessaire formation universitaire et professionnelle des traducteurs –l’ornière du parcellaire à contre-courant d’une démarche d’ensemble, formelle et méthodique.
Zafè vizyon an se pa pawòl anlè. Vizyon lengwistik m ap defann nan tout liv ak atik mwen pibliye yo makònen ak yon pèspektiv ki klè kou ròch lagalèt : bay kreyòl la tout dwa li menm jan ak tout lòt lang natirèl kretyen vivan pale, anpeche zòt neye kreyòl la nan yon ti kwi, lan yon ti mamit de pou kenz. Kidonk an menm tan n ap chache bon jan ekivalan kreyòl pou tout tradiksyon nou yo, menm jan an tou nou dwe veyatif pou n mare travay tradiksyon an ak yon vizyon lengwistik konsekan jan mwen te moutre l la nan «Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiques en Haïti».
Cher Kaptenn koukourouj, nous voici interpellés par la définition et la mise en œuvre d’un modèle standard en traduction générale comme en traduction scientifique et technique créoles. Alors quelle devrait être la configuration d’un tel modèle standard ? Comment l’incontournable formation universitaire en traduction devrait-elle contribuer à l’édification d’un tel modèle pour qu’il soit durablement institutionnalisé ?
Vaste enjeu s’il en est, qui devra à son niveau être abordé plus tard en un texte distinct.
Cordialement,
Robert Berrouët-Oriol
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ANNEXE : YON MESAJ MICHEL-ANGE HYPPOLITE (KAPTENN KOUKOUROUJ)
Pou Robert Berrouët-Oriol [25 janvier 2015]
Mwen li analiz-kritik Robert Berrouët-Oriol la, ki rele : LES GRANDS CHANTIERS DE LA TRADUCTION EN CRÉOLE HAÏTIEN. Nan analiz li a, mwen remake li al chèche konnen sa ki te deja fèt nan domèn tradiksyon nan lang kreyòl la. Travay Berrouët-Oriol la gen yon nivo istorik, yon nivo analiz ak bon jan kritik solid sou travay tradiksyon ki ap fèt, soti nan franse ale nan kreyòl. Se trè byen! Travay analiz kritik Robert Berrouëtt-Oriol la pral fòse moùn ki ap fè travay tradiksyon ( pwofesyonèl kou amatè) ale an pwofondè nan nannan sans mo yo anvan yo kouche yo sou papye.
Konsta Robert Berrouët-Oriol fè yo montre limit anpil nan tradiktè yo ansanm ak limit ki genyen nan materyèl ki ta dwe ekziste pou ede moùn ki ap fè tradiksyon yo nan akonplisman travay yo. Anfèt, pi gwo defi nan fè travay tradiksyon se jwenn mwayen pou kòlte ak absans divès materyèl ki ta dwe ekziste pou travay tradiksyon an rive byen fèt.
Robert Berrouët-Oriol siyale aklè, apati kèk ekzanp, tradiksyon ki pa byen fèt. Se trè byen, men travay Robert Berrouët-Oriol pa kab kanpe senpman nan nivo denonse travay ki mal fèt yo. Robert Berrouët-Oriol dwe ale pi lwen toujou, paske li genyen anpil konesans nan domèn leksikoloji ak tèminoloji ki kab pèmèt li devlope materyèl nan nivo leksikal nan chan konpetans li oubyen ede lòt kreyolis yo nan konble twou vid ki genyen nan domèn tradiksyon kreyòl la.
Robert Berrouët-Oriol chwazi yon echantiyon tradiksyon ki soti nan Haïti Perspectives pou li demontre erè ki parèt nan anpil tradiksyon ki fèt an kreyòl , men li pa bay okenn pwopozisyon pou korije erè li siyale yo.
Nan travay Robert Berrouët-Oriol la, li rapòte pawòl Marie-Christine Hazaël-Massieux nan « La traduction de la Bible en créole haïtien : problèmes lingusitiques, littéraires et culturels.» Se trè byen. Anfèt, pawòl Hazaël-Massieux yo se konsta li fè pandan li te ap analize tradiksyon labib la. Nan sans sa a, li klè pou tout moùn, se aksyon plis kritik byen chita ki pou mennen chanjman. Si pyèsmoùn pa vle pran chans fè tradiksyon kreyòl epitou si tout moùn deside pran yon atitid founi je gade, lang kreyòl la ap toujou rete menm plas.
Nan faz moùn ki ap fè tradiksyon kreyòl yo rive la, yo bezwen pi plis toujou pase remak jeneral. Yo bezwen zouti pou yo travay. Yo bezwen modèl. Se poutèt sa mwen ta ankouraje Robert Berrouët-Oriol vin mete men nan chantye tradiksyon an ansanm ak tout lòt kreyolis ki ap pran risk nan domèn lan pou pèmèt lang kreyòl la vanse. Kounye a, se tou pa Robert Berrouët-Oriol pou li vin konsolide fondasyon chantye konstriksyon kreyòl la nan nivo konpetans li. Tankou mwen toujou di li :Menm jan ak tout lòt lang, kreyòl pa gen limit. Limit lang kreyòl la, se limit moùn ki ap sèvi ak li yo.
Alaverite, tankou tout moùn konnen li, nou pa kab soti nan zewo pou nou rive sibitman nan san. Fòk gen etap ki franchi. Se nan devlopman etap sa yo menm, mwen kwè Robert Berrouët-Oriol ta dwe vin pote-kole.
Yon premye etap se ta, si Robert Berrouët-Oriol pa deja fè li, tradwi tèks li a : Les Grands chantiers de la traduction en créole haïtien, nan lang kreyòl la, epi pataje li ak lòt kreyolis . Kalite travay sa a ta kab ede nan devlopman yon vokabilè espesyalize nan domèn lengwistik ak nan domèn tradiksyon, paske, mennen koulèv lekòl se yonn, fè li chita se de. Epitou, pa gen pi bèl fason pou yon moùn ede nan fasilite chanjman pase aji apati ekzanp pozitif. Mwen ap pale la a apati eksperyans pa mwen sou teren an. Genyen kèk tan moùn ki anti kreyòl yo te pran plezi di : kreyòl pa kab fè lasyans, se tankou, se lang lan ki pou devlope pwòp tèt li. Pou mwen te pwouve yo se moùn nan ajisman yo, ki fè yon lang vanse, mwen te pibliye Atlas / Leksik Zo mounn : Leksik an 4 lanng, nan ane 1989. Nan liv sa a, mwen te konpare fason lang angle, franse, panyòl te chwazi mo pou divès zo nan kò moùn epi mwen te fè pwopozisyon ki kab sèvi nan lang kreyòl Ayiti a. Ak liv sa a, mwen te devlope yon baz leksikal pou fasilite travay tradiksyon / adaptasyon nan domèn byoloji.
Nan Educa-Vision, Féquière Vilsaint fè parèyman. Li mete men nan travay kreyasyon leksikal la nan tradwi/adapte liv nan domèn byoloji, syans latè, syans fizik, elatriye. Se menm apwòch sa a mwen ta ankouraje Robert Berrouët-Oriol swiv, nan chan konpetans li kòm tèminològ, pou avansman lang kreyòl la, paske pwovèb la di li aklè : se ti pa ti pa pou nou rive kay granpapa!
Michel-Ange Hyppolite (Kaptenn Koukourouj)
Akademisyen Kreyòl Ayisyen an
Manm Sosyete Koukouy
NOTES
[1]Kaptenn koukourouj prezante tèt li kòm manm Sosyete Koukouy nan Kanada, ekriven, kritik literè; li se manm sa mwen menm Robert Berrouët-Oriol mwen rele yon lobby, yon ONG, kidonk « Académie créole » la. Voir à ce sujet Robert Berrouët-Oriol (2014). « L’Académie créole : « lobby », « ONG » ou institution d’État sous mandat d’aménagement linguistique ? » : http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/academie-du-creole-haitien
Robert Berrouët-Oriol (2015). « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien » : http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/traductologie-creole/chantiers-traduction-creole
Ce message figure en annexe à la présente Lettre ouverte.
Sur l’enjeu éthique, voir entre autres Pierre V. Zima, « Idéologie, théorie et altérité : l’enjeu éthique de la critique littéraire ». Études littéraires, vol. 31, n° 3, 1999, p. 17-30
Robert Berrouët-Oriol (2014). Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiques en Haïti : http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/amenagement-creole-et-francais
Sur l’opération traduisante, voir entre autres Christine Durieux : « L’opération traduisante entre raison et émotion ». : journal des traducteurs / Meta : Translators’ Journal, volume 52, numéro 1, mars 2007, p. 48-55
Robert Berrouët-Oriol (2015). « Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien » : http://www.berrouet-oriol.com/linguistique/traductologie-creole/chantiers-traduction-creole
Entrevue du 28 février – Radio Méga
publié le 15 mars 2014 à 16:29 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 18 mars 2014 à 13:40] La dictature duvaliériste, l’impunité en Haïtiet le procès du nazillon Jean-Claude Duvalier Robert Berrouët-Oriol s’adresse particulièrement aux jeunes haïtiens nés après 1986 qui n’ont pas connu la terreur duvaliériste. Il aborde l’indispensable devoir de mémoire, le procès de Jean-Claude Duvalier et l’actuel processus de réhabilitation du duvaliérisme par l’Exécutif néo-duvaliériste Martelly/Lamothe.
Entrevue animée par le journaliste Alex Saint-Surin le 28 février 2014 à l’émission « Carrefour » de Radio Mega émettant depuis Miami. Radio Mega est relayée par plusieurs stations de radio aux États-Unis et en Haïti.
Entrevue en deux parties. La seconde partie aborde également la question linguistique en Haïti.
HAÏTI LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ
publié le 14 févr. 2014 à 07:42 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 14 févr. 2014 à 07:45]
Le site documentaire HAÏTI LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ a été mis en ligne le 7 février 2014. Nous vous invitons à le visiter, à le partager et à nous faire part de vos commentaires et suggestions.
Entrevue du 7 février 2014 – Radio Cacique Haïti
publié le 14 févr. 2014 à 07:28 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 14 févr. 2014 à 09:23] La dictature duvaliériste, l’impunité en Haïti et le procès dunazillon Jean-Claude Duvalier
En ce 7 février 2014, RobertBerrouët-Oriol s’adresse particulièrement aux jeunes haïtiens qui n’ont pasconnu la terreur duvaliériste. Il aborde l’indispensable devoir de mémoire, leprocès de Jean-Claude Duvalier et l’actuelle réhabilitation du duvaliérisme parl’Exécutif dirigé par le tandem Martelly/Lamothe.
À l’émission «Question/réponses » animée par Jean-Jahkob Jeudy de Radio Cacique Haïtiémettant depuis le Texas et relayée par plusieurs stations de radio auxÉtats-Unis et en Haïti (surtout en province). Entrevue en créole.
Le retour du duvaliérisme en Haïti
publié le 3 janv. 2014 à 15:23 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 10 déc. 2014 à 16:43] LE RETOUR DU DUVALIÉRISME EN HAÏTISOUS LE MANTEAU ROSE DE LA « RÉCONCILIATION NATIONALE »Par Robert Berrouët-OriolMontréal, le 3 janvier 2014À la mémoire des trois jeunes élèves assassinés aux Gonaïves par les sbires duvaliéristes le 28 novembre 1985,Jean Robert Cius, Mackenson Michel et Daniel IsraëlJeunes embrigadés dans le mouvement de la honte appelé « Mouvement des jeunes duvaliéristes indépendants »
À quelques jours de la commémoration du tremblement de terre du 12 janvier 2010, l’année 2014 s’annonce déjà, en Haïti, sous le signe d’une mortifère et criminelle déflagration : le retour à visage découvert du duvaliérisme au pouvoir d’État avec la participation éhontée, provocatrice, du nazillon Jean Claude Duvalier –invité de Michel Martelly–, aux cérémonies officielles du Jour de l’Indépendance aux Gonaïves le 1er janvier 2014.
Pareille provocation, qui est en réalité une imposture et un amalgame, ne semble pas encore avoir provoqué un raz-de-marée d’indignation en Haïti : la presse locale a même signalé l’événement sur un ton relativement banal sinon bienveillant. Ainsi l’agence en ligne HPN (Haïti Press Network), depuis Port-au-Prince, titre l’événement comme suit : « Indépendance – Célébration – Martelly, Avril et Duvalier, trois présidents pour un message d’unité ». L’article de HPN est repris par le site de la Radio Télévision Caraïbes, le 2 janvier 2014, sous le titre légèrement modifié « Gonaïves 1er janvier 2014 : Martelly, Avril et Duvalier, trois présidents pour un message d’unité ».
Dans un pays, Haïti, où règne l’impunité sous toutes ses hallucinantes et sanguinolentes formes, ces textes des agences de presse lus par des citoyens que l’on croit à tort décérébrés, ne sont pas anodins, voire neutres… Mais pour la vérité historique, il y a lieu de relever une fois de plus une contrefaçon, un mensonge et un amalgame. Parachuté de facto à la magistrature suprême de l’État, Jean Claude Duvalier n’a jamais été président d’Haïti, un président élu lors d’une élection démocratique. Il a hérité d’un pouvoir absolutiste, obscurantiste ; il a occupé la fonction présidentielle grâce à une tromperie, une violation de la Constitution qui a été amendée de manière illégale par le sanguinaire dictateur François Duvalier afin de lui transmettre, de manière héréditaire, la « présidence à vie ». Alors poser dans un texte public, vouloir faire croire ou assumer que le dictateur Jean Claude Duvalier a été président d’Haïti est une mortifère contrefaçon de l’Histoire, un mensonge qui ne correspond pas à la réalité des faits. De même, poser dans un texte public, vouloir faire croire ou assumer que Prosper Avril -–invité lui aussi par Michel Martelly aux cérémonies officielles du Jour de l’Indépendance aux Gonaïves le 1er janvier 2014–, a été président d’Haïti est une contrefaçon de l’Histoire, un mensonge et un amalgame. Parachuté de facto à la magistrature suprême de l’État, le zélé putschiste Prosper Avril, initiateur et premier chef historique des criminels « zenglendos » dès 1987, n’a jamais été président d’Haïti, un président élu lors d’une élection démocratique. Il a illégalement occupé la fonction présidentielle à la suite d’un sanglant coup d’État contre son collègue des FAd’H (Forces armées d’Haïti), le criminel mercenaire Henry Namphy qui, lui, avait fait main basse sur le mouvement démocratique à la chute du nazillon Jean Claude Duvalier en 1986. La vérité historique et la mémoire populaire ont bien noté que le putschiste Prosper Avril a énormément de sang sur les mains, il a été l’un des cerveaux et l’un des commanditaires de l’horrible massacre du 29 novembre 1987 à la ruelle Vaillant, à Port-au-Prince, massacre au cours duquel l’armée d’Haïti flanquée de ses zélés mercenaires « attachés », débris épars des VSN (volontaires de la sécurité nationale, les tontons macoutes), a brutalement mis fin à l’élection de 1987. Accordant la plus chaleureuse hospitalité à l’impunité, on se rappelle que ce même Martelly, cynique et condescendant, afin de narguer toutes les victimes, a récemment invité ce même Prosper Avril à commémorer le massacre de la ruelle Vaillant au Palais national le 29 novembre 2013, qui pis est, en compagnie de l’ineffable Gérard Gourgue.
Le fait que Michel Martelly ait osé inviter le nazillon Jean Claude Duvalier –actuellement inculpé devant la justice haïtienne pour crimes contre l’humanité et dilapidation à grande échelle des fonds publics–, ainsi que le criminel putschiste Prosper Avril aux cérémonies officielles du Jour de l’Indépendance aux Gonaïves le 1er janvier 2014, exprime à visière levée la nature profondément néo-duvaliériste de l’actuel Exécutif. Il conforte également les convictions personnelles de Michel Martelly, duvaliériste dès son entrée dans l’âge adulte et admirateur inconditionnel du corps de tortionnaires des Léopards, entité spécialisée des FAd’H (Forces armées d’Haïti) mise sur pied par la CIA durant le « règne » du nazillon Jean Claude Duvalier et dans lequel Michel Martelly a séjourné quelques mois… La justice devra un jour établir la véracité des faits, allégués par la clameur publique, quant à la participation personnelle de Michel Martelly aux côtés du criminel putschiste Michel François à des massacres de la population civile dans les bidonvilles durant le sanglant coup d’État de 1991…
L’actuel Exécutif néo-duvaliériste Martelly-Lamothe, en affichant offensivement « trois présidents pour un [même] message d’unité », entend donc faire du 1er janvier 2014, date de la commémoration des 210 ans de l’indépendance du pays, une « importante journée placée sous le signe de l’unité » et de la « réconciliation nationale ». Il y a là manifestement tromperie, outrage, falsification de l’Histoire et manifestation provocatrice et obscène de l’impunité qui est, elle aussi, au coeur de ce pouvoir anti-populaire cousu de scandales, de crimes et de corruption.
Dans la langue du Droit, pour qu’il y ait véritablement réconciliation, il faut qu’il y ait deux personnes : le bourreau qui reconnaît ses crimes et la victime à laquelle le Droit et la morale accordent reconnaissance, justice et réparation. Tel n’est pas le cas aujourd’hui en Haïti. Les bourreaux et les mercenaires criminalisés de la dictature duvaliériste (Jean Claude Duvalier, Prosper Avril, Michel François, Mme Max Adolphe, Claude Raymond, Alix et Fritz Cinéas, etc.) et autres créatures hybrides tèt kòk bouda pentad ont pignon sur rue, circulent librement, jouissent en toute impunité de leurs crimes et de leurs richesses volées à la nation haïtienne. Pire : l’association de saltimbanques connue sous le nom de gouvernement Martelly/Lamothe, par le truchement du magouilleux petit avocat Pierre-Richard Casimir, faussaire et délateur compulsif de « kamoken » à Montréal où il a été consul, propulsé au poste de « ministre » des Affaires étrangères pour services rendus dans une sombre affaire de faux papiers et autres bassesses, a même accordé un passeport diplomatique au dictateur déchu. Avec les saltimbanques Martelly/Lamothe, le nazillon Jean Claude Duvalier jouit d’une impunité de facto, dispose ainsi de tous les privilèges, y compris une pension, dont bénéficient les anciens chefs d’État, payés à même le trésor public haïtien, ce trésor public qui a massivement été pillé par la fratrie duvaliériste. Et Jean Claude Duvalier, narguant avec condescendance les victimes de la dictature duvaliériste, s’est même accordé l’an dernier le « privilège » d’être le « parrain » (au sens sicilien et haïtien du terme) d’une promotion sortante de l’École de droit des Gonaïves…
Dans un pays, Haïti, où règne l’impunité sous toutes ses hallucinantes et sanguinolentes formes, nous sommes en présence du retour à visage découvert du duvaliérisme au pouvoir d’État avec la participation éhontée, provocatrice, du nazillon Jean Claude Duvalier –invité de Michel Martelly–, aux cérémonies officielles du Jour de l’Indépendance aux Gonaïves le 1er janvier 2014. Pareille mascarade politique, pareille provocation constituent une insulte à la mémoire de nos Aïeux, à la mémoire des Pères fondateurs de la patrie et de tous les sacrifiés qui ont irrigué de leur sang la conquête de la liberté. C’est également une insulte à la mémoire de tous ceux qui ont combattu la terreur liberticide des Duvalier. Par cette présence à la tribune officielle de la célébration du Jour de l’Indépendance d’Haïti, Jean-Claude Duvalier, tous ses collègues tortionnaires ainsi que ses petits soldats en la personne de Michel Martelly et de Laurent Lamothe, se moquent éperdument de tous les sacrifiés du système duvaliériste, des valeurs chères à la fondation de la Patrie : liberté, égalité et fraternité. Faut-il rappeler que durant les 29 années de la dictature duvaliériste, le père et le fils ont cherché à transformer tous les Haïtiens en esclaves duvaliéristes, esclaves de la pensée unique à l’instar des tontons macoutes et d’autres serviteurs zélés de la dictature ? Faut-il rappeler que durant les 29 années de la dictature duvaliériste, penser la liberté, écrire le mot Droit et imaginer un pays où tous les Haïtiens seraient égaux devant la loi étaient tous des actes passibles de torture, d’exil et d’assassinat pour des milliers de jeunes Haïtiens aspirant à la liberté et à l’ensemble de nos droits citoyens ?
Dans ce cadre analytique en phase avec la réalité observable, ce n’est pas par hasard que toutes les sphères et appareils d’État, les cabinets ministériels, soient infestés d’autant de mercenaires duvaliéristes recyclés portant le brassard rose du martellysme ; ce n’est pas par hasard qu’autant de fils et de filles de tontons-macoutes connus et autres fiyèt lalo (femmes macoutes) soient installés, avec leur brassard rose martellien, aux postes dirigeants des institutions d’État… Le plus représentatif de ces incompétents mercenaires portant le brassard rose du martellysme n’est nul autre que Nicolas Duvalier, le fils du nazillon Jean Claude Duvalier, propulsé « conseiller politique spécial » au cabinet de Michel Martelly… Ainsi, Michel Martelly et Laurent Lamothe affichent-t-ils sans réserve leur filiation duvaliériste, assurés du soutien indéfectible des grandes démocraties « amies » qui n’ont jamais hésité à appuyer les dictateurs dans des pays du Tiers Monde au service des intérêts de la haute finance occidentale.
Au jour d’aujourd’hui, le procès du nazillon Jean Claude Duvalier traîne en longueur, les trois juges de la Cour d’appel instruisant son procès font durer la danse macabre de l’impunité en ne rendant aucune décision… À contre-courant de la sous-culture de l’amnésie et du silence, plus de trente victimes, des plaignants, ont officiellement et courageusement porté plainte contre le nazillon Jean Claude Duvalier pour arrestation arbitraire, séquestration, violences psychologiques et tortures : ces victimes n’ont pas jusqu’à ce jour obtenu justice et réparation. Alors, quelle sont donc la couleur et l’orientation de la justice aujourd’hui en Haïti ? Sera-t-elle rose « tèt kale » avec pour emblème le drapeau noir et rouge et la pintade de François Duvalier ? Le système judiciaire haïtien, longtemps dompté, vassalisé et corrompu par la dictature duvaliériste et par les pouvoirs de l’après 1986, saura-t-il rendre justice, en toute indépendance, aux victimes de la terreur liberticide et kleptocrate des Duvalier ? L’avenir le dira…
À l’aune et sous le manteau de l’impunité, et avec la complicité active de l’actuel Exécutif néo-duvaliériste Martelly-Lamothe, ce sont les bourreaux d’hier, investissant à visière levée les commandes du pouvoir politique qui veulent, aujourd’hui, imposer une prétendue et hideuse « réconciliation » ou une « amnistie-amnésie » par-delà leurs crimes impunis alors que les victimes de la dictature duvaliériste réclament justice. À l’aune et sous le manteau de l’impunité, il s’agit pour les bourreaux duvaliéristes de se décerner une « auto-amnistie » et de l’imposer à la nation sans aucune considération pour les victimes, leur déniant une nouvelle fois l’ensemble de leurs droits citoyens, et très précisément leur droit à la justice et à la réparation.
Il faut le dire haut et fort sur toutes les tribunes nationales et internationales : LES DIZAINES DE MILLIERS DE VICTIMES DE LA DICTATURE DUVALIÉRISTE N’ONT PAS JUSQU’ICI OBTENU JUSTICE ET RÉPARATION, ce droit à la justice et à la réparation qui aurait pu de manière légale et morale justifier l’ouverture d’un processus d’unité dans la réconciliation nationale. Il est donc immoral et illégal de prêcher l’« unité de la famille haïtienne » (slogan des duvaliéristes regroupés au sein du mercenaire et hétéroclite PUN, Parti de l’unité nationale) ; il est inconcevable et illégal de réclamer la réconciliation nationale en dehors d’un processus d’attribution de la justice et des réparations qui doivent s’ensuivre.
Plus près de nous, de l’Amérique latine sœur qui a connu son lot de dictatures sanguinaires semblables à celle des Duvalier, nous pouvons tirer maints enseignements de la société civile. L’avocate Gilberte Deboisvieux [1], ancienne responsable de l’Amérique centrale à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), explique la raison de cette vague de lois d’amnistie sur le continent sud-américain en ces termes :
« Pourquoi une loi d’amnistie ? Il ne faut pas se leurrer, la plupart du temps, les nouveaux gouvernements, même élus, issus des grands conflits sanglants ont des liens puissants d’intérêts ou de parentés avec les dictateurs ou les tortionnaires d’hier. Ils sont de la même catégorie économique, la même origine sociale. Ils ont fréquenté les mêmes écoles. Lorsqu’il est question de réconciliation nationale, c’est d’une réconciliation entre eux et leurs pairs qu’il s’agit. »
En un semblable et rigoureux écho, dans un discours prononcé par Benjamin Cuellar [2], directeur de l’Institut des droits de l’homme de l’université centraméricaine (IDHUCA) devant le XIIIème Congrès de la Fédération latino-américaine d’associations de parents de détenus et disparus (Fedefam), qui s’est tenu à l’automne 1995 à San Salvador, ce spécialiste des droits de l’homme déclarait, au creux de son intervention intitulée «Amnésie ou amnisties ? », dans le passage « Amnistie ou conspiration du silence », que :
« Toutes les lois d’impunité de notre Amérique latine ont été caractérisées, dans une plus ou moins grande mesure, par leurs tentatives pour dissimuler les crimes du terrorisme commandité par l’État. Ces lois ont automatiquement bénéficié aux agents du gouvernement, qui ont été dispensés de reconnaître quelque sorte de culpabilité que ce soit. Ces lois ont couvert un domaine très large, et ont servi à interdire ou à suspendre toute enquête, et de surcroît éliminent la possibilité d’action civile individuelle ou gouvernementale. Ainsi, selon Louis Joinet, « le pouvoir d’amnistie ne se contente pas de s’assurer, par exemple, que les tortionnaires bénéficient de l’impunité criminelle, mais cherche aussi à organiser la conspiration du silence qui empêche toute possibilité pour les victimes d’obtenir les réparations matérielles ¬ ou même morales ¬ auxquelles elles pourraient aspirer selon la loi commune. Le but n’est pas tant d’éviter un châtiment civil, comme le paiement possible d’indemnités compensatrices, mais bien de supprimer la possibilité d’une enquête qui pourrait conduire à un procès civil public, ce qui confirme encore une fois que la publicité est la sanction la plus redoutée par les auteurs d’attaques sérieuses contre la condition humaine. » »
Et élaborant davantage sa pensée analytique, Benjamin Cuellar précisait, dans la même intervention et au chapitre «S’engager pour la vérité », que
« Les méthodes « faciles » et « confortables » pour oublier ce que les assassins ont essayé de nous faire accepter, sont inadéquates pour arrêter la juste recherche d’une justice véritable fondée sur la vérité. Les horreurs ne peuvent pas être passées sous silence et leurs auteurs ne doivent pas être protégés par l’anonymat, déchargés de toute culpabilité, leur participation demeurant inconnue : cela seul peut suffire à miner l’essence même d’une coexistence sociale qui respecte véritablement la dignité humaine. En vérité, nous avons là sans aucun doute un problème social qui va au delà de la douleur individuelle, et c’est comme tel qu’il doit être envisagé. »
Qu’en conclure ? La lutte de la société civile haïtienne contre l’impunité et pour la justice, aujourd’hui, est un devoir de mémoire, un combat contre l’amnésie programmée, entretenue et banalisée dans la totalité du corps social haïtien carnavalisé sous la houlette du martellisme néo-duvaliériste, dans un pays en perte de repères citoyens et déstructuré. Dans l’obligation de confronter l’authentique au faux, la raison au non-sens, la société civile haïtienne doit mener un incontournable combat, la lutte contre l’impunité adossée à une redéfinition historique de la citoyenneté haïtienne qui s’inscrit à contre-courant du populisme d’extrême droite martellien et contre le retour programmé du duvaliérisme en Haïti sous le manteau impunitaire de la « réconciliation nationale ». À l’instar du père Jan Hanssens Nous prônons la réconciliation dans la vérité, la responsabilité et la justice La société civile doit aujourd’hui plus que jamais, comme nous l’enseigne à point nommé le célèbre philosophe Stéphane Hessel [4], s’indigner et se mobiliser, contrer le funeste et criminel retour au pouvoir du duvaliérisme en Haïti, retour programmé sous le manteau verbeux et démagogique de la « réconciliation nationale », de « l’unité nationale », de « l’amnistie-amnésie », des leurres préfabriqués pour laisser libre la voie aux tortionnaires, aux voleurs et autres nostalgiques de la dictature soucieux de jouir des fruits de leurs crimes et de les reproduire en toute impunité.
Le 1er janvier 2014, epuis la Place d’Armes des Gonaïves , le journaliste Yvens Rumbold (repris sur Facebook par Stephen William Phelps àPort-au-Prince) a exprimé courageusement et publiquement son indignation en ces termes : « Rendez-moi fou ou sage… C’est intolérable que Jean Claude Duvalier soit sur cette tribune officielle sans qu’il ait répondu des actes horribles et inhumains commis dans ce pays lors de sa présidence à vie. NON ! NON ! ET NON À L’IMPUNITÉ ! Non à l’altération du devoir de mémoire ! »
Telle est l’une des réponses citoyennes à laquelle est invitée toute la société civile haïtienne.
————————————————NOTE ADDITIONNELLE DE L’AUTEUR : Pour mieux comprendre la tentative de réhabilitation du dictateur Jean-Claude Duvalier, il est important de relire mon texte intitulé : AU NOM DU PÈRE ET DU FILS ET DE SAINT-NICOLAS ______________________________Références :[1] Gilberte Deboisvieux. « Impunité de fait, impunité de droit » Revue Volcans.
[2] Benjamin Cuellar. «Amnistie ou conspiration du silence ? » Revue Volcans.
[3] Rév. Père Jan HANSSENS, conseiller Justice et Paix (JILAP) et Cellule Réflexion et d’Action Nationale (CRAN). Haïti Liberté, Vol. 5, No 24, page 4 [4] Stéphane Hessel. Indignez-vous ! Éditions Indigène, 2010; édition revue et augmentée, 2011.Haut de la page
NOTE COMPLÉMENTAIRE – AFFAIRE ANDRÉE FERRETTI
publié le 18 déc. 2013 à 16:36 par Robert Berrouët-Oriol [ mis à jour : 26 déc. 2013 à 14:15] NOTE COMPLÉMENTAIRE AU SUJET DE « L’AFFAIRE ANDRÉE FERRETTI Montréal, le 17 décembre 2013Les faits, pa gen kase fèy kouvri sa… Mme Nicole Hébert qui administre et modère lesite independantes.org sur lequelAndrée Ferretti a publié le libelle qui lui a valu ma réplique, dans un courrieldaté du 14 décembre 2013, m’a concocté un lamentable et désolant chapelet deponcifs qui ne fait honneur ni aux Québécois ni aux Haïtiens. Voilée du« nationalisme » passéiste mono-identitaire d’exclusion de l’Autre, de tous les « autres », dans lebut de protéger son « ÊTRE », sa culture « épurée » de l’apport historique desflux migratoires au Québec, incapable de dialoguer avec ces étrangers « envahissants», installée dans le déni d’existence de «l’Autre » et du haut de sa « supériorité » de souche, MmeNicole Hébert m’a intimé l’ordre de rester à ma place, celle qu’elle m’adéfinitivement assignée, celle du silence, celle qui fait perdre touteconsidération et respect à un citoyen.Si je prends la peine de lui répondrepubliquement aujourd’hui, c’est uniquement pour couper court à toute vainetentative de ‘’dédouaner’’ Mme Andrée Ferretti et de minimiser l’enjeu centraldu débat. Car contrairement à ce qu’insinue Mme Nicole Hébert avec tant de légèreté,depuis la publication, le 14 décembre 2013, de ma « Lettre ouverte à Andrée Ferretti – NOTRE QUÉBEC À NOUS TOUS » : il y a bien un débat public citoyen, au Québec, en Haïti et ailleurs, sur lespropos xénophobes et outrageants d’Andrée Ferretti à l’égard du« perpétuel immigrant » Dany Laferrière et du peuple haïtien. Lesnombreux courriels de support et de solidarité que j’ai reçus, depuis le 14décembre 2013, d’écrivains québécois, haïtiens, marocains, français, etc., témoignentde l’indignation de citoyens responsables, vigilants, outrés par les proposindignes, outrageants et ouvertement xénophobes de la romancière Québécoise indépendantiste AndréeFerretti.En contexte, dans la vie de tous lesjours, dans l’apprentissage citoyen du vivre ensemble, Mme Nicole Hébert devrait savoir qu’il ne faut jamais banaliserni sous-estimer des propos xénophobes et ma lettre ouverte en porte unéclairage rigoureux.Je prends note et je fais savoir que MmeNicole Hébert a censuréLettre ouverte à Andrée Ferretti – NOTREQUÉBEC À NOUS TOUS interdit sa publication sur le site independantes.org, site sur lequelAndrée Ferretti avait, elle, librement publié son sombre factum. Pire : MmeNicole Hébert a mis fin abruptement aux commentaires des lecteurs sur le site independantes.org tout en donnant lapriorité aux rares lecteurs qui abondaient dans le sens d’Andrée Ferretti.Pareille censure, adossée à une manipulation idéologique de la parolecitoyenne, est un flagrant déni du droit à la libre expression ; elle esttoxique et donne, hélas, une claire idée de ce Québec frileux et replié surlui-même dont Andrée Ferretti et Mme Nicole Hébert –et sans doute quelques autres–, sontporteurs. Dans la langue usuelle de l’extrême droite, dans la bouche de JeanMarie Le Pen, cela s’appelle la négation et l’extinction programmées de laliberté de parole et la persistance d’une complaisance borgne et claudicante proférantle « nous autres » contre le « vous autresnousautres » Québécois pure laine, contre « vousautres », les immigrants assignésà lanon-citoyenneté–,puisqu’il faut sans états d’âme, on l’aura constaté, exclurel’Autre » du champ de la citoyenneté comme du champlittéraire québécois. Je le dis haut et fort : dans le Québec multilinguede 2013 où la langue française donnée en partage est enrichie par l’apport dediverses cultures, n’est-il pas indécent et outrageant de soutenir –comme lefait Andrée Ferretti–, un propos ouvertement xénophobe, schizophrène,obscurantiste et frileusement exclusiviste ? Faut-il le rappeler, la penséexénophobe de l’extrême droite dominicaine, depuis le 23 septembre 2013 avecl’arrêt de la Cour constitutionnelle, interditde nationalité plus de 300 000 personnesnées Dominicaines, d’ascendance étrangère et en particulier d’ascendancehaïtienne. Nous voici bel et bien en présence des dégâts causés par uneidéologie d’exclusion radicale de l’Autre.Il faut bien lire l’Histoire, la contemporaine notamment, et en tirer lesconséquences… En clair : au Québec, nous ne saurions tolérer des propos etdes pratiques d’exclusion contraires à la tradition d’ouverture, de toléranceet d’hospitalité des Québécois.
Une lecture rigoureuse et cohérentede l’Histoire nous apprend à décoder les liens ontologiques qui existent entrele particulier et l’universel et entre des contextes géopolitiques présentantdes similitudes dans leurs différences. Alors pour mémoire, je rappelle à MmeNicole Hébert que la dictature kleptocrate des Duvalier père et fils avaittransformé Haïti en un sinistre et mortifère « goulag tropical » (René Depestre), forçant des centaines demilliers de personnes à s’exiler dans de nombreux pays, parmi lesquels leQuébec. L’une des choses que nous avons apprises, au creux de l’hospitalité dela culture démocratique du Québec, est précisément l’exercice de la liberté deparole et d’association citoyenne qui nous étaient interdites sous la dictaturedes Duvalier père et fils. Ce sont également la conquête des libertéscitoyennes et l’effectivité de ces libertés qui expliquent en grande partie quelenazillon Jean Claude Duvalier soit aujourd’hui inculpé devant la justicehaïtienne pour crimes contre l’humanité, vol en bande organisée, pillage desressources de la nation, assassinats et disparition de milliers de personnesLibre à Mme Nicole Hébert d’êtresourde et aveugle aux dégâts provoqués par les sirènes de l’extrême droitenationaliste qui, au Québec comme en Europe, couve sous la braise outrageante despropos similaires à ceux d’Andrée Ferretti lorsqu’elle insulte le peuplehaïtien qu’elle traite de mendiants qui se complaisent dans l’assistanat de «l’aide » internationale… C’est là le libre choix « nationaliste », peureux etindigne, de Mme Nicole Hébert ; ce n’est pas le nôtre ni celui de lamajorité des Québécois soucieux de la vérité historique et du respect desdroits de tous les citoyens du Québec incluant les Haïtiano-Québécois.
Pour mémoire : il importe de bien prendre en compte que le déploiement des 180 000 haïtiano-québécois dans le tissu urbain du Québec ces quarante dernières années a contribué singulièrement, dans la Belle Province, à la réflexion sur la peste raciste et à une redéfinition contemporaine de l’identité québécoise, une identité inclusive et polyglotte au creux de la langue française.
Je dis également haut et fort que la dignité du peuple haïtien et celle des écrivains haïtiano-québécois ne saurait être trafiquée ni salie : ELLE NE SEMARCHANDE PAS, ELLE NE SE TROQUE NI SE CARNAVALISE SOUS LE VOILE INTÉGRISTED’UNE PENSÉE D’EXTRÊME DROITE, celle de Jean-Marie Le Pen comme celle du nationalismesclérosé d’Andrée Ferretti.
Ultime précision : la romancière French Canadian aura-t-elle le courage intellectuel de répondre publiquementà ma « Lettre ouverte à Andrée Ferretti –NOTRE QUÉBEC À NOUS TOUS » ? L’avenir le dira…
Robert Berrouët-Oriol
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